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gendarmes et les sergens de ville de l’empire, ce sont les royalistes de Charette et de Cathelineau qui marchent contre Paris au cri de vive le roi ! et le drapeau blanc en tête. Le gouvernement de Versailles se met en dehors des lois de la guerre et de l’humanité… Toujours généreux et juste, même dans sa colère, le peuple abhorre le sang comme il abhorre la guerre civile, mais il a le droit de se protéger contre les attentats sauvages de ses ennemis, et, quoiqu’il lui en coûte, il rendra œil pour œil et dent pour dent… » Puis suivait le décret : « Article 4. Tous accusés retenus par le verdict du jury d’accusation seront les otages du peuple de Paris. — Article 5. Toute exécution d’un prisonnier de guerre ou d’un partisan du gouvernement régulier de la commune de Paris sera sur-le-champ suivie de l’exécution d’un nombre triple des otages retenus en vertu de l’article 4, et qui seront désignés par le sort. » C’est sur la proposition de Raoul Rigault, de Th. Ferré, de Gabriel Ranvier, que cette motion fut adoptée ; la proclamation qui précède immédiatement le décret est signée : La Commune de Paris ; c’était affirmer que la commune entière acceptait la responsabilité de cet acte, mais c’était aussi se rappeler que les collectivités sont toujours irresponsables. C’est dans ce document que le mot otages est prononcé officiellement pour la première fois ; tous les individus qui furent arrêtés comme tels l’ont été en vertu de mandats invariablement signés par Th. Ferré ou par Raoul Rigault. Celui-ci les appelait ses « détenus personnels » et ne tolérait pas que l’on parlât de les mettre en liberté.

Il n’en était pas tout à fait ainsi pour les individus arrêtés sur l’ordre du délégué à la justice, qui se nommait Eugène Protot, et dont les comparses de la magistrature improvisée ne paraissent pas avoir scrupuleusement respecté les décisions. Plus d’un genre d’accommodemens fut possible avec les agens inférieurs de la commune. On avait installé quelques juges d’instruction au Palais de Justice, acteurs d’arrière-plan dans la tragédie que l’on jouait, pris on ne sait où et ignorant tout de la jurisprudence, jusqu’à son nom. Parmi ces gaillards, qui auraient pu étudier le code d’instruction criminelle pour leur propre compte, il en est un qui ne fut point bête. C’était un gros garçon d’une trentaine d’années, à face débonnaire, fort sceptique en toute chose, se souciant médiocrement de la commune et de Versailles, ne voyant dans cette grande subversion que l’occasion de passer quelques bons momens, point farouche, encore moins cruel, et ne dédaignant pas de rendre quelquefois service. Il n’était point insensible aux sollicitations des jolies femmes et avait découvert que la loi, dans certains cas, autorise les magistrats à mettre les prévenus en liberté provisoire sous