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normal, tout individu arrêté est écroué d’abord dans une vaste prison attenant au Palais de Justice et qui est le dépôt près la préfecture de police, divisée en deux parties distinctes, l’une destinée aux hommes, l’autre attribuée aux femmes que surveillent les sœurs de Marie-Joseph. Cette énorme geôle, contenant cent quatre-vingt-quinze cellules et de vastes salles, est disposée pour la détention individuelle et pour la détention en commun ; nouvellement bâtie dans les dernières années de l’empire, elle est en fortes pierres de taille, triste, sombre et outillée de manière à défier toute tentative d’évasion. Les salles du commun pour les hommes et pour les femmes s’étendent sous le grand escalier du Palais de Justice qui fait face à la place Dauphine.

La façade occidentale du Palais est aujourd’hui dégagée, car l’incendie a détruit toutes les vieilles constructions qui la masquaient encore aux jours de la commune ; elle était alors littéralement enveloppée, et le dépôt avec elle, par les bâtimens de la préfecture de police. Celle-ci était un assemblage de maisons branlantes, juxtaposées plutôt que réunies, et que l’on avait utilisées, vaille que vaille, selon les multiples nécessités du service, qui s’y trouvait fort mal. Au bout de la place Dauphine, un vaste porche que l’on pouvait, en cas de besoin, fermer à l’aide d’une porte de fer, indiquait l’entrée de la préfecture ; à gauche, au rez-de-chaussée, la loge du portier principal, à côté le poste des officiers de paix ; à droite, le bureau des passeports, au-dessus les bureaux de la deuxième division ; au-delà du porche, la rue de Harlay-du-Palais, de l’autre côté de laquelle une grande maison où l’on avait installé au rez-de-chaussée le service actif des mœurs auprès du poste des brigades centrales ; dans les étages supérieurs, les différens services de la première division et de la police municipale. En long couloir en bois, rejoignant ces bâtimens annexés à l’ancien hôtel des premiers présidens au parlement, conduisait aux bureaux politiques, au cabinet du préfet et aux appartemens de celui-ci, qui dominaient la cour de la Sainte-Chapelle. Dans la rue de Harlay-du-Palais était établie la permanence, où l’on prenait le nom et le signalement des gens arrêtés avant de les envoyer au dépôt, qui était côtoyé de fort près, à l’ouest et au sud, par les masures où la préfecture de police était à l’œuvre jour et nuit.


I. — LE PRESIDENT BONJEAN.

Le 18 mars 1871, vers sept heures du soir, M. Coré, directeur du dépôt, acquit la certitude que la préfecture de police et le Palais de Justice avaient été évacués par les autorités régulières ;