a été engagée dans ces dernières phases des affaires d’Orient vis-à-vis de la Russie ; le cabinet de Londres à son tour n’a point hésité à déclarer sa neutralité. Il y a seulement une différence : les autres puissances n’ont point eu à donner des explications spéciales que leur position ne nécessitait pas, elles ont gardé une réserve de langage que tout leur commandait. L’Angleterre, en restant neutre, a voulu définir sa neutralité, en marquer le caractère et pour ainsi dire en tracer les limites. Elle a procédé comme elle procède assez habituellement dans toutes les circonstances de ce genre, sans subterfuge, presque sans ménagement. L’Angleterre, à vrai dire, est dans une situation particulière. Plus elle attachait de prix au maintien de la paix, plus elle a multiplié les efforts pour détourner le conflit, et plus elle ressent la déception d’avoir si peu réussi. Cette déception, elle ne l’a pas dissimulée ; elle n’a nullement déguisé sa mauvaise humeur, elle lui a donné au contraire une expression très officielle, très authentique par la dépêche que lord Derby a opposée à la circulaire publiée par le prince Gortchakof au moment de la déclaration de guerre. Ce n’est pas absolument nouveau; ce que lord Derby dit aujourd’hui, l’Angleterre le disait en 1828 dans une circonstance semblable. Lord Derby y met seulement à l’heure qu’il est un accent particulier de franchise, ou, si l’on veut, de rudesse. Il ne veut pas que le cabinet de Saint-Pétersbourg s’y méprenne. Il n’admet pas que le protocole du 30 mars fût une œuvre vaine, que toute issue fût fermée à la conciliation, qu’il ne restât plus qu’à procéder par les armés à l’égard de la Turquie. Il ne craint pas d’opposer au cabinet de Pétersbourg le traité de 1856 et de déclarer qu’en « ayant recours aux armes sans consulter ses alliés l’empereur de Russie est sorti du concert européen, » — ajoutant aussitôt qu’il est « impossible de prévoir les conséquences d’un acte pareil. » C’est l’expression de la politique anglaise avec ses jugemens un peu acerbes et ses réserves pour les intérêts britanniques, telle qu’elle vient de se produire d’ailleurs dans un des plus amples débats qui aient occupé le parlement.
C’est M. Gladstone qui avait pris l’initiative de cette grande discussion en proposant une série de résolutions dont la conséquence aurait été d’engager l’Angleterre dans une alliance avec la Russie contre l’empire ottoman; il a été obligé d’abandonner la plus grande partie de ces résolutions sous peine d’être abandonné lui-même par presque tous les libéraux. M. Gladstone a certes mené vigoureusement l’attaque contre le cabinet; mais il ressemblait trop à un grand esprit dévoyé, et en définitive il n’a réussi qu’à offrir à quelques-uns des ministres, à M. Cross, au sous-secrétaire d’état des affaires étrangères, M. Bourke, l’occasion d’exposer une fois de plus la politique anglaise, de caractériser ces intérêts anglais dont on parle toujours. La discussion du parlement a été moins rude que la dépêche de lord Derby; elle n’est encore, d’une certaine