Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/476

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étrangères pouvaient exploiter. Il y avait seulement un danger, c’était de prolonger l’agitation en croyant la réprimer, de répondre à des exagérations par des exagérations, en un mot de dépasser le but et de créer par cela même des difficultés nouvelles.

En réalité de quoi s’agit-il dans tout cela? Eh! certainement cet esprit clérical dont on se plaint justement, qui se produit parfois sous la forme de manifestations aussi bruyantes qu’inopportunes, cet esprit existe, et si on le laissait faire, s’il avait autant de puissance que d’ambition, il irait loin, c’est possible ; mais il est isolé, il ne répond à rien de réel et de profond dans la société française telle que la révolution de 1789 l’a faite. Il n’est que l’expression passionnée et turbulente d’une minorité au milieu d’une situation religieuse régulière, pacifique, fondée sur des rapports définis entre l’église et l’état, réglée par des lois, et il n’aurait que la force qu’on pourrait lui donner en troublant cette situation, en inquiétant les sentimens conservateurs du pays, en cherchant à le combattre par des passions révolutionnaires, par des manifestations ou des menaces radicales. La force efficace contre l’esprit clérical, ce n’est nullement le radicalisme avec ses discours et ses défis, c’est l’application juste et prudente des lois, le maintien des droits traditionnels de l’état, avec la garantie d’une protection assurée aux sentimens religieux et sincères des populations. A vrai dire, ce qu’il y aurait eu de mieux à l’occasion de cette interpellation de l’autre jour, c’eût été que dès le premier instant le gouvernement vînt préciser cette situation, maintenir l’autorité des lois, revendiquer les droits de l’état et couper court par une déclaration simple et nette à des discussions irritantes. C’eût été aussi de la part de toutes les opinions un acte de sagesse et de patriotisme de se contenter d’une déclaration de ce genre qui aurait montré la puissance de la loi à ceux qui sont trop disposés à la méconnaître et qui dans tous les cas aurait dégagé la France de toute solidarité avec des manifestations compromettantes. On ne s’en est pas tenu là, on a voulu déchirer les voiles, comme on l’a dit. M. le président du conseil a craint sans doute de paraître éluder la difficulté; il n’a pas parlé assez tôt, il a parlé un peu longuement et il n’a pas donné à sa parole l’accent net, frappant, qui prévient ou tranche un débat. La discussion s’est étendue, passionnée, et qu’en est-il résulté? Un discours de M. Gambetta, qui a créé un moment au chef du ministère une situation critique, et un ordre du jour auquel le gouvernement ne s’est résigné que pour éviter un échec, — qui reste peut-être aujourd’hui un embarras de plus.

M. Gambetta est de ces républicains qui se croient souvent obligés de déguiser un acte de modération sous la véhémence des paroles, et qui ne s’aperçoivent pas qu’en mettant la passion dans les paroles ils détruisent d’avance l’effet de la modération dans les actes. Certes, à ne prendre que la substance du discours qu’il a prononcé l’autre jour, il