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REVUE MUSICALE

Rien n’est plus intéressant que de voir les peuples primitifs aux prises avec le mystère de la vie, et d’étudier à ce point de vue leurs langues et leurs mythes. Dans le torrent, le Grand-Esprit réside, les âmes des aïeux errent, pleurent, chuchotent dans le vent; le son est enfant du métal, de la pierre, et dans l’aimant vibre et palpite une âme; puis, tout aussitôt, vient l’énigme qui se dresse et qu’on résout en créant un monde des Esprits, car l’esprit n’est autre chose que la vie dépouillée de son enveloppe première : est esprit toute activité, — flamme, souffle, vapeur, — qui se manifeste en dehors d’une forme visible. Lisez dans le Sakontala l’adorable scène où la jeune fille prend congé de la nature et cause avec l’âme de ses fleurs. C’est par cette idée de vie, la première qui s’éveille dans le crépuscule de la conscience, que l’adolescente humanité entre en rapport avec la création ! Nous sommes ici sur la pente de la métempsycose ; la résurrection des morts, — idée plus simple en ce qu’elle se contente d’une seule transformation, mais en même temps plus abstraite et respirant moins d’abandon, de confiance en la douce nature, — la résurrection nous vient d’une autre partie de l’Orient. Être une fleur et s’enivrer au clair de lune des caresses de la brise du soir, planer dans l’azur et le soleil sur l’aile de l’oiseau, quel joli rêve ! « Si l’on pouvait y croire, il serait doux de le penser, » disait Mme de Chevreuse.

Au milieu de la terre est l’île Schamban, où s’élève le mont Mérou, séjour des divinités secondaires et des géans; là coulent des fleuves de lait, croissent des arbres dont les fruits d’or donnent l’immortalité aux êtres ayant accompli la loi de leur évolution. Or il arriva qu’on jour le bienheureux Alim, roi de Lahore, fut appelé au sein de toute cette gloire du paradis d’Indra. Hâtons-nous d’ajouter que le mot de bienheureux ne doit être pris cette fois qu’au sens mystique, attendu que ce monarque, dont les apsâras et les bayadères célestes accueillent l’âme à si grands frais, est au contraire le prince le plus déplorable que de Jodelle à Campistron et de Campistron à Viennet la tragédie