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Tashkend et Khodjent. On étudie l’établissement soit d’un chemin de fer direct d’Orenbourg à Kazala, soit d’un embranchement partant de Tashkend pour aller rejoindre la ligne qui desservira toute la Sibérie. Un autre projet vivement appuyé consisterait à ramener dans son ancien lit l’Oxus, qui se jetait autrefois dans la mer Caspienne, et à établir ainsi une voie navigable à travers la steppe. En attendant, un service de caravanes franchit en vingt jours la distance de Krasnovodsk, sur la mer Caspienne, à Khiva. Toutes ces entreprises profiteront à la civilisation en même temps qu’elles consolideront la puissance russe, mais la force principale de celle-ci est dans les qualités qui font du soldat russe le plus admirable instrument de conquête et de colonisation. Docile autant que brave, facile à contenter, supportant sans se plaindre toutes les fatigues et toutes les privations, prêt à tout, le soldat russe construit les routes, déblaie les canaux et rétablit les digues, il fabrique les briques dont il bâtit ensuite les murailles des forts et les casernes qu’il doit habiter; il confectionne ses cartouches et ses projectiles; il est maçon, charpentier ou fondeur suivant le besoin de l’heure présente, et le lendemain du jour où il sera congédié il conduira avec bonheur la charrue, en bénissant Dieu qui lui a donné des bras vigoureux, et son père le tsar qui lui a donné un carré de terre. Avec de tels instrumens à sa disposition, la puissance russe ne reculera jamais : il lui suffit de quelques années pour rendre définitive la conquête de toute terre où elle a mis le pied.


IV.

« L’attitude de l’Angleterre vis-à-vis de la Russie relativement à l’Asie centrale n’a pas toute la dignité désirable. Ce ne sont perpétuellement que questions, protestations, demandes d’explications et même menaces, — au moins dans les journaux et au sein du parlement, — mais jamais un seul acte. On a jeté les hauts cris au sujet de l’expédition de Khiva; mais quand l’occupation a été un fait accompli, les mêmes hommes et les mêmes journaux ont déclaré n’y voir aucun mal... il semblerait plus sage et plus digne, au lieu de harasser sans cesse la chancellerie russe par de petites tracasseries, de faire savoir franchement à la Russie quelles limites elle ne doit pas dépasser dans sa marche en avant. Un état de mutuelle suspicion ne présage rien de bon pour les relations des deux gouvernemens. » Ce jugement sévère, porté sur la politique anglaise par M. Schuyler, est manifestement un écho des sentimens qui règnent à Saint-Pétersbourg; mais les oscillations de la politique anglaise entre la fermeté et la faiblesse sont la conséquence des fluctuations parlementaires qui amènent alternativement au pouvoir les hommes