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Kaufmann crut cette aventure terminée : il conclut avec Nasreddin un traité par lequel il laissait la couronne à ce prince moyennant la cession de Namangan et de toute la province située au nord du Syr-Daria, et une indemnité de guerre de 3 millions de roubles. Mais les principaux chefs de l’insurrection étaient loin d’avoir perdu courage : ils s’étaient réfugiés dans les montagnes où ils recrutaient de nouvelles forces, et les Russes s’étaient à peine retirés que le pays se soulevait de nouveau. Khokand chassait Nasreddin pour avoir traité avec les infidèles. Il fallut recommencer la campagne, reprendre une à une toutes les villes, et quelques-unes plusieurs fois parce qu’elles se révoltaient aussitôt après le départ des troupes russes. Ce ne fut qu’au bout de plusieurs mois qu’on réduisit le pays à l’obéissance et que l’on contraignit les derniers chefs de la révolte à faire leur soumission. Une occupation complète du pays était jugée nécessaire, il parut plus simple de le réunir aux possessions russes. Le décret d’annexion fut signé par l’empereur Alexandre, le 2 mars 1876, et le khanat de Khokand devint, à partir de ce jour, la province de Fergana. Les fils de Khudayar et les principaux chefs de l’insurrection furent gardés prisonniers à Tashkend: quant à Khudayar, il continue de vivre à Orenbourg avec la fortune qu’il a sauvée et qu’on n’évalue pas à moins de 25 millions. Il y donne des bals et des dîners somptueux aux autorités russes, dans l’espoir de se faire des amis et des protecteurs, et d’obtenir par leur crédit la restitution de son trône. Jamais espoir ne fut moins fondé.

L’annexion du khanat de Khokand ajouta aux possessions russes un territoire de 60 lieues de long sur 30 de large, d’une admirable fertilité. Le climat est celui du midi de la France. Les céréales, les fruits, le raisin, y sont récoltés en abondance; mais les principaux produits du pays sont le coton et la soie. Les montagnes qui séparent le Khokand du Kashgar renferment du cuivre, du plomb, du minerai de fer et des turquoises. Ces richesses naturelles n’ont pas peu contribué à déterminer l’annexion, dans l’espérance que les impôts à percevoir sur un pays aussi riche pourraient combler le déficit croissant du budget du Turkestan. Les forces russes, qui ne dépassaient pas 36,000 hommes en 1872, avaient dû être augmentées en prévision de l’expédition de Khiva; l’insurrection du Khokand ne permit pas de les diminuer, et aujourd’hui c’est à peine si une armée de 50,000 hommes suffit à assurer la soumission de l’immense région que la Russie a rangée sous ses lois. Le jour n’est pas loin d’ailleurs où il faudra pourvoir à l’occupation permanente de Boukhara et de Khiva.

Le traité avec ce dernier état a produit les résultats que la politique russe en attendait. Méprisé de ses sujets pour avoir traité avec