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tous les khans attaqués ou dépouillés par les Russes. Il se conduisait en tout comme un vassal de la Russie, plutôt que comme un souverain indépendant. Il se contentait d’accabler ses sujets d’impôts, voulant, avec une prévoyance que les événemens ont justifiée, s’assurer une fortune qui le rendît indifférent aux coups du sort. Ses sujets lui auraient peut-être pardonné ses exactions et ses cruautés : mais ils ne pouvaient lui pardonner sa servilité vis-à-vis des infidèles, et l’abandon dans lequel il avait toujours laissé la cause des vrais croyans. Une première insurrection éclata en 1873 dans la partie montagneuse du pays : elle fut comprimée. De nouveaux soulèvements, en 1874, avortèrent également; mais au mois de juillet 1875, la nouvelle que les Russes se préparaient à attaquer le Kashgar, l’arrivée à Khokand d’une mission chargée de reconnaître les routes du pays et les passes des montagnes, enfin le bon accueil fait par Khudayar à cette mission, exaspérèrent le fanatisme des populations. Une nouvelle insurrection éclata dans la montagne, et le fils aîné du khan, ISasreddin, fut un des premiers à aller rejoindre les insurgés, pour lesquels les villes d’Ush, Namengan, Andijan et Assaké se prononcèrent immédiatement. Le beau-frère et le propre frère de Khudayar, et les corps d’armée envoyés contre les insurgés, se joignirent à ceux-ci. Enfin, la veille du jour où Khudayar devait prendre le commandement en personne, son second fils et le reste de ses soldats passèrent à l’ennemi. Khudayar n’eut d’autre ressource que de quitter sa capitale en toute hâte, avec la mission russe et avec son harem et ses trésors, et de prendre la route de Tashkend, poursuivi chaudement par ses anciens sujets.

La guerre sainte fut aussitôt proclamée, et une grande agitation s’empara de toutes les provinces soumises à la domination russe. Les Khokandiens firent un effort désespéré. Ils réussirent à enlever plusieurs postes russes et à couper les communications de Tashkend avec Khodjent et avec Samarcande. Ils assiégèrent Khodjent, et leurs cavaliers poussèrent jusqu’aux portes de Tashkend, où l’inquiétude fut très grande : on y redoutait un soulèvement de la population indigène. Telle était la surexcitation des esprits, que les propres serviteurs de Khudayar, qui n’avaient dû leur salut qu’à la protection des Russes, parlaient tout haut dans Tashkend en faveur de l’insurrection et appelaient de leurs vœux la destruction des infidèles. Les autorités russes se hâtèrent de faire partir Khudayar et sa suite pour Orenbourg.

Le général Kaufmann, qui était sur les confins de la Sibérie, accourut et rassembla toutes les forces disponibles. Khodjent fut débloqué. La principale armée khokandienne fut battue et dispersée à Makram et la ville de Khokand ouvrit ses portes sans résistance. La plupart des villes ayant fait leur soumission, le général