Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/416

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une armée khokandienne, forte de près de 15,000 hommes, et la mit en pleine déroute.

En 1864, les autorités russes résolurent de mettre à exécution le plan demeuré en suspens depuis 1853. Les gouverneurs-généraux des provinces d’Orenbourg et de la Sibérie occidentale se concertèrent : une colonne de 1,200 hommes, sous les ordres du colonel Verevkin, partit d’Orenbourg, tandis qu’une colonne de 2,500 hommes quittait la Sibérie sous les ordres du colonel Tchernaïef. La première s’empara de la ville sainte de Turkestan, qui renferme le tombeau d’Achmet-Yasavi, l’apôtre de l’islamisme dans ces contrées et le patron particulier des Kirghiz. Ce tombeau est l’objet d’un des pèlerinages les plus célèbres de l’Asie; il est renfermé dans une immense mosquée construite par Tamerlan à la suite d’un pèlerinage qu’il avait fait lui-même à la tombe de l’apôtre pour appeler les bénédictions du ciel sur son futur mariage avec la belle Tukal-Khanym. En même temps que Turkestan succombait, Aulié-Ata était enlevée d’assaut par le colonel Tchernaïef, et les deux colonnes réunies venaient mettre le siège devant Tchemkent, qui fut également prise d’assaut en octobre 1864. Cette dernière conquête mettait les Russes en possession de tout le cours inférieur du Syr-Daria et suffisait à l’exécution de leurs projets; mais le colonel Tchernaïef, dépassant ses instructions, résolut de profiter de la guerre civile qui déchirait le Khokand : il s’empara encore des forteresses de Niazbek et de Tchinaz pour couper les communications de Tashkend avec Khokand et avec Khodjent, et au printemps suivant il parut brusquement devant Tashkend. Grâce à la puissance de l’artillerie russe, une ville de plus de 100,000 âmes se rendit à un petit corps d’armée de 2,000 hommes.

Pendant que les Russes marchaient de succès en succès, l’émir de Boukhara, à la tête d’une armée, rétablissait sur le trône du Khokand son protégé Khudayar, déjà chassé deux fois par ses sujets, et, pour prix de ce service, il retenait la province de Khodjent. Il aurait voulu également s’approprier la province de Tashkend, et son ambition déçue l’entraîna dans une collision avec les Russes. On a raconté ici même[1] comment la bataille d’Irdjar, en 1866, détruisit le prestige de la puissance boukharienne, et eut pour conséquence la prise de Khodjent et l’annexion de la province entière aux possessions russes. Celles-ci étaient déjà devenues assez importantes pour que le gouvernement de Saint-Pétersbourg reconnût la nécessité de leur donner une organisation particulière, La province de Semiretch fut détachée de la Sibérie occidentale, et forma, avec les nouvelles conquêtes de la Russie, le gouvernement

  1. Voyez, dans la Revue du 1er juin 1867, les Russes en Boukharie.