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puis de l’Oural à l’Emba, et un fort fut élevé en 1834 sur les bords de la mer Caspienne pour arrêter les incursions des Kirghiz et des Turcomans, vassaux de Khiva. Une ligne de postes fortifiés, gardés par des Cosaques de l’armée d’Orenbourg, fut établie du fleuve Oural au fleuve Ili, et prolongée ensuite jusqu’au Torgal, puis jusqu’à l’Irghiz, pour aboutir finalement à la mer d’Aral. En même temps, la région au sud de l’Yrtish fut organisée administrativement, et au centre de chaque district furent établies des colonies de paysans russes, protégées par des forts. Les postes avancés de la domination russe furent même portés jusque dans la vallée de l’Ili. Les nomades, dont le domaine se trouvait diminué à la fois au nord et à l’ouest, ne voulurent pas d’abord accepter la suprématie russe. Un chef des Kirghiz sibériens, Khazimof, réussit à réunir dans un effort commun les tribus du gouvernement d’Orenbourg et celles de la Sibérie occidentale, et, de 1838 à 1844, soutint pendant six années contre les forces russes une lutte qui ne prit fin qu’avec sa vie. Deux ans plus tard, les Kirghiz de la Grande Horde, las des exactions des Khokandiens, se placèrent d’eux-mêmes sous la domination russe. Pour protéger ces nouveaux sujets, il fallut porter plus au sud les avant-postes russes : une nouvelle province, celle de Semiretch, fut créée dans la vallée de l’Ili; elle reçut pour capitale une forteresse, Vierny, qui est devenue en vingt ans une ville de 12,000 âmes et un centre commercial important. On reconnut bientôt qu’il était impossible de laisser les passes de montagnes aux mains des Khokandiens, et que, pour assurer la sécurité de la nouvelle province, il fallait porter la frontière russe par-delà les monts Alatau, jusqu’à la rive droite du Syr-Daria. Cela ne se pouvait faire qu’au prix d’une lutte contre les Khokandiens. Quelques détails géographiques deviennent ici nécessaires.

Quatre états, à ce moment, étaient rangés en demi-cercle autour de la mer d’Aral, qui est bornée à l’ouest et au nord par un vaste désert de sable. Le premier, en commençant par l’est, était le khanat de Khokand, qui comprenait toute la vallée du Syr-Daria, et dont les villes les plus importantes après la capitale étaient Khodjent, placée au coude que forme le fleuve lorsqu’après avoir couru de l’est à l’ouest il tourne vers le nord pour aller rejoindre l’extrémité septentrionale de la mer d’Aral, et au nord de Khodjent Tashkend, qui a souvent été le siège d’une principauté indépendante. Au sud du khanat de Khokand, au-delà des monts Zarafshan, qui séparent la vallée du Syr-Daria de celle de l’Amou-Daria, l’Oxus des anciens, était le khanat de Samarcande, récemment conquis par les émirs de Boukhara, qui l’avaient annexé à leurs possessions. En tournant à l’ouest, on trouvait Boukhara, dont l’émir Nasrullah avait fait l’état le plus puissant de l’Asie centrale, soumettant à sa domination