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voilà tout ce que la Russie exigeait des tribus les plus voisines de son territoire européen. C’est seulement après 1810 que le gouvernement russe, pour tirer parti des richesses minérales de l’Oural, établit une colonie de paysans russes autour des mines de sel d’Iletsk, et érigea en district administratif un territoire peu étendu, abandonné jusque-là aux nomades. Les premières colonies de Cosaques établies dans la Sibérie méridionale, le long de l’Yrtish, ne datent que de 1824. L’empereur Nicolas est le premier souverain qui se soit préoccupé sérieusement et avec suite de développer la puissance russe en Asie. Il ouvrit des relations directes avec l’empire chinois, et tantôt par les négociations, tantôt par la force des armes, il essaya d’assurer à la Rassie le commerce de la Chine orientale par la vallée de l’Amour et par Kiakhta, et le commerce de la Chine occidentale et de la Mongolie par Semipalatinsk, Buktarmy et Petropaulosk, qui lui doivent sinon leur fondation, au moins leur existence réelle et leur développement. Si, de ce côté, les efforts de l’empereur Nicolas n’ont pas été couronnés d’un plein succès, la création de routes carrossables et l’organisation d’un service régulier des postes dans toute l’étendue de la Sibérie n’en ont pas moins été des germes féconds qui commencent à fructifier[1]. Désireux de doter la Russie d’une industrie nationale, Nicolas devait chercher à assurer des débouchés à cette industrie naissante. Si elle était trop faible pour affronter la concurrence de l’Europe occidentale, n’était-il pas possible de lui ouvrir les marchés de l’Asie? Or, tandis que les marchands des contrées les plus reculées de l’Asie circulaient librement dans toute l’étendue de l’empire russe, et y recevaient partout accueil et protection, les marchands russes ne pouvaient s’aventurer dans les steppes sans s’ex- poser à être pillés et souvent à être réduits en esclavage. Deux états musulmans s’étaient peu à peu arrogé une suprématie effective sur tous les nomades de l’Asie centrale. Le khan de Khiva se considérait comme le souverain de tous les Kirghiz établis entre la mer Caspienne et la mer d’AraL Les khans de Khokaad, depuis que ce pays s’était soustrait à la domination chinoise, avaient assujetti au tribut tous les Kirghiz établis au nord de la mer d’Aral et du Syr-Daria, l’Iaxarte des anciens. Les Khokandiens avaient fermé toutes les passes des montagnes par des forts en terre, d’où ils faisaient des incursions fréquentes dans la Sibérie occidentale, pillant et emmenant en captivité les sujets russes.

L’empereur Nicolas prit des mesures énergiques pour mettre fin à cet état de choses. Les nomades furent refoulés du Volga à l’Oural,

  1. Voyez, dans la Revue du 15 avril 1858, la Sibérie et les progrès de la puissance russe en Asie.