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insinifiante. Le commandant de place : Revol. Ordre de mettre en liberté : E. Duval (sans date). La mise en liberté arbitraire des criminels fut un fait qui se reproduisit souvent pendant la commune ; nous aurons à le signaler.

On sait que tout mandat d’arrestation doit contenir le motif d’icelle, c’est une garantie pour le détenu et une responsabilité pour l’agent de l’autorité qui ordonne l’incarcération. Sous la commune, on a changé tout cela : les mots sans motifs reviennent constamment sur les ordres d’écrou ; parfois les motifs sont dérisoires : « Suspect, — soupçonné d’être bedeau, — affaires politiques, — a lacéré les affiches, — allait ramasser les blessés (Michel Allard, 4 avril), — a lâché les eaux de la Vanne pour noyer les gardes nationaux (Dufaux, chef égoutier), — intelligence avec Versailles. » Quelques-unes des raisons alléguées pour motiver les arrestations sont grotesques : Sibert, Nicolas, 3 avril, « venait de Tarbes et allait à Sèvres, où il demeure. » — Ganche, 4 avril, « pour avoir dit que la garde nationale battait en retraite. » — Lemoire, Arthur, « pour n’avoir pas payé son tailleur, qui ne lui a pas livré ses effets. » — Moléon, 5 avril, « curé de Saint-Séverin, » Hédeline, Alphonse, « pour avoir cousu des papiers dans le dos du gilet du neveu de M. le curé ci-dessus ; » — Chrétien (Louis), 6 avril, « laissé partir son fusil par imprudence, blessé personne. » Cette litanie d’insanités pourrait être continuée indéfiniment. Au président Bonjean, qui se plaignait d’avoir été arrêté, Raoul Rigault répondit : « Nous ne faisons pas de la justice, nous faisons de la révolution. » Eh ! non ; pas même ! on faisait des inepties méchantes, voilà tout. Ce que nous venons de citer ne serait que bouffon, si les gens arrêtés en vertu de pareils ordres n’avaient cruellement souffert ; mais voici qui est honteusement odieux : Cabinet du préfet de police ; Paris, le 3 avril 1871. Citoyen directeur (du dépôt), veuillez mettre au secret et ne pas donner de nourriture audit détenu Lacarrière, Jean-Louis, mégissier, avant qu’il eût fait des aveux ; pour le commissaire spécial, l’officier de paix : FELIX HENRY. — La commune s’est toujours distinguée par un mépris hautain pour l’orthographe et la légalité ; toutes les pièces manuscrites échappées aux incendies allumés par elle en sont la preuve.

Il se commettait parfois d’étranges erreurs, et, à ce sujet, nous prions le lecteur de nous permettre de lui parler d’un fait personnel qui vient à l’appui de notre assertion. Nous possédons une pièce ainsi conçue : Ordre du comité de salut public de conduire à Mazas le sieur Maxime Du Camp. Signé : G. RANVIER ; FERD. GAMBON, et plus bas : Ordre au directeur du dépôt de recevoir le citoyen Ducamp, arrêté par ordre du comité de salut public ;