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de vive Henri V ! tous les séminaristes, tous les frères de la doctrine chrétienne s’étaient enrôlés, après avoir fait vœu de rétablir le droit de jambage ; les paysans, ralliés sans exception au système communal inauguré à Paris, recevaient à coups de fourche les soldats qui se rendaient aux ordres des assassins de Versailles ; les marins avaient exterminé deux régimens de ligne à coups de hache. Cette dernière plaisanterie ne fut point démentie, ce qui prouve que les fédérés n’avaient jamais combattu près de nos équipages de la flotte ; mais la hache du marin, la hache d’abordage, est une tradition immortelle. On vendit pendant le siège une estampe représentant des fusiliers marins enlevant une redoute prussienne, le poignard aux dents et la hache au poing. On n’en finirait plus si on voulait répéter toutes les turpitudes que les journaux de la commune offraient en pâture à la crédulité publique et dont celle-ci se nourrissait. Pendant que l’on abusait si impudemment de la niaiserie des badauds fédérés, on ne savait qu’imaginer pour flatter leur orgueil. Félix Pyat, cet incomparable fuyard, écrivait sans rire dans le Vengeur que le Paris de la commune était « l’Ephèse du progrès, La Mecque de la liberté, la Rome de l’humanité. » Cet encens grossier, ces cancans de portières, il faut le reconnaître, pénétraient les esprits incultes, s’y gravaient profondément, mettaient toutes les haines en ébullition et ne furent pas sans exercer une très pernicieuse influence sur l’emportement et la durée de la lutte.

Cette lutte, nous n’avons pas à la raconter ici ; cependant nous devons dire, pour en expliquer la longueur, de quels élémens de résistance l’insurrection disposait après sa victoire du 18 mars, élémens considérables qui lui permirent de soutenir deux mois de combats incessans et la grande bataille des sept jours dans Paris. Son artillerie était forte de 1,047 pièces, représentées par vingt-sept types différens, ce qui la neutralisa parfois en produisant d’heureuses confusions dans la distribution des munitions. Défalcation faite des pièces employées aux postes avancés, aux forts et au mur d’enceinte, 726 furent employées dans les rues lorsque les troupes régulières eurent enfin pénétré dans Paris. La cavalerie était nulle et ne compta jamais plus de 449 chevaux ; en revanche, l’infanterie était très nombreuse. Vingt légions, composées de 254 bataillons, se divisaient en portion active et en portion sédentaire ; la première mettait en mouvement 3,649 officiers et 76,801 soldats ; la seconde formait un effectif de 106,909 hommes commandés par 4,284 officiers, ce qui produit un total dépassant 191,000 hommes, d’où il convient de déduire une trentaine de mille individus qui surent toujours échapper au service. En résumé, la commune eut une armée de 140,000 à 150,000 combattans, qu’elle dirigea tant à l’extérieur