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aurait parlé. » Le peuple souverain parla, — il eût mieux fait de se taire, — et le comité central n’abdiqua ni ses prétentions, ni la direction occulte qu’il aimait à exercer spécialement sur les choses de la guerre. Le conflit fut permanent ; on essayait de le dissimuler, il n’en éclatait pas moins. Pour mettre tout le monde d’accord sous une égale oppression, on revint, le 1er  mai, à cette vieillerie du comité de salut public. Cela n’arrangea pas les choses, comité de salut public, comité d’artillerie, comité des barricades, comité de subsistances, comité d’approvisionnemens militaires, comité de sûreté générale, comité central, comité de toute nuance et comité de toute défroque, se jalousaient, se haïssaient, et allaient commencer à « s’épurer, » lorsque la France rentra à Paris. Ces dissentimens eurent ce bon résultat de rendre la défense très incohérente, mais ne descendirent jamais jusqu’aux fédérés, qui s’en souciaient peu et ne se préoccupaient guère que de l’abondance des distributions de vivres. « Pour une grande partie du peuple, la révolution n’est qu’un opéra. » Ce mot de Marat nous est bien souvent revenu à la mémoire, lorsque nous regardions les évolutions des troupes de la commune. Le spectacle que Paris offrait pendant ces jours de deuil était désespérant. En haut, des hommes ignorans et vaniteux, arrivés au paroxysme de l’envie ; en bas, des brutes obtuses, prêtes à tous les méfaits ; partout le troupeau des moutons de Panurge, êtres indécis, mobiles, sans résistance contre les mauvaises passions qui les assaillent, sans propension au mal, sans attrait vers le bien, obéissant machinalement et ne comprenant rien aux événemens dont ils sont enveloppés, sinon qu’ils ont une bonne paie, beaucoup de vin, et trop d’eau-de-vie.

Les actes les plus violens et les moins justifiables ne soulevaient pas les consciences et trouvaient même des approbateurs. Le 10 avril, on afficha cette sanie sur les murailles de Montmartre : « Attendu que les prêtres sont des bandits et que les églises sont des repaires où ils ont assassiné moralement les masses en courbant la France sous la griffe infâme des Bonaparte, Favre et Trochu, le délégué civil des Carrières près l’ex-préfecture de police ordonne que l’église Saint-Pierre-Montmartre soit fermée et décrète l’arrestation des prêtres et ignorantins. Signé : LE MOUSSU. » Si la population restait indifférente à ces brutalités sans pareilles, elle acceptait avec confiance, et sans raisonner, toutes les sornettes qu’on lui débitait. Pour l’entretenir dans la haine de Versailles et des Versaillais, comme l’on disait alors, il n’est inventions saugrenues, bourdes surprenantes, niaiseries ineptes qu’on ne lui ait fait avaler. L’armée, que l’on combattait aux avant-postes, était exclusivement composée de sergens de ville, renforcée par les chouans de Charette et de Cathelineau, marchant sous un drapeau blanc, aux cris