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Les autres défenseurs n’ajoutèrent que peu de mots à cette éloquente réplique. M. Paul Sauzet, brisé par la fatigue, garda le silence. M. Hennequin fit un suprême appel à la générosité de la cour. Quant à M. Crémieux, il rectifia l’allégation d’un journal du matin qui l’accusait d’avoir, comme tous les autres défenseurs, défendu la légalité des ordonnances. M. de Martignac, en répondant à M. Madier de Montjau, venait de relever déjà cet injuste grief et d’y répondre victorieusement. Après que les accusés eurent tour à tour déclaré qu’ils n’avaient rien à ajouter à leur défense, M. Bérenger prononça ces mots adressés à la cour : « Notre mission est finie. La vôtre va commencer; la résolution de la chambre des députés est sous vos yeux, le livre de la loi y est également. Il vous trace vos devoirs; le pays attend, il espère, il obtiendra bonne et sévère justice. » Le président déclara alors que les débats étaient clos. Les accusés furent ramenés dans leur prison, tandis que, la séance levée, les pairs se retiraient dans la salle de leurs délibérations.

Pendant que se déroulaient ces dernières péripéties du procès des ministres, M. de Montalivet travaillait à assurer leur prompt départ, maintenant compromis et entravé. C’est en arrivant au palais qu’il avait connu les ordres donnés par le général de Lafayette et l’inexécution du plan si minutieusement élaboré la veille. Cette nouvelle, l’aspect de la garde nationale, qui occupait le jardin, bruyante, excitée, et dans les rangs de laquelle on entendait des menaces de mort contre les hommes dont l’imprudence du général de Lafayette lui confiait la défense, jetaient le jeune ministre dans la plus grande perplexité. Si les collaborateurs sur lesquels il était en droit de compter lui refusaient leur concours, que pouvait-il? Le danger était pressant. En venant du ministère, il avait pu se convaincre de l’exaspération de la foule, contenue partout par la garde nationale, niais non apaisée. Cette populace, habilement et perfidement déchaînée, attendait quatre têtes. Elle souhaitait une condamnation à mort, et si le jugement de la cour ne lui donnait pas la satisfaction qu’elle réclamait, il était à craindre qu’elle ne trouvât parmi les gardes nationaux assez de complices pour lui faciliter l’accès de la prison et lui permettre d’exercer ses cruelles vengeances. Il importait donc d’agir, d’agir sans retard et de mettre les anciens ministres à l’abri de ses fureurs. Un court entretien avec le général de Lafayette prouva à M. de Montalivet que le glorieux mais imprudent vétéran de la révolution ne comprenait pas le danger comme lui et osait encore espérer pour le conjurer en la garde nationale, sans tenir compte des souvenirs irritans des trois journées, conservés par celle-ci et qui pouvaient, en présence des anciens ministres de Charles X, se réveiller terribles, malgré le bon esprit dont elle