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participé à la direction des mouvemens militaires, il répondit par une dénégation formelle. — J’aurais voulu pouvoir arrêter l’effusion du sang, dit-il; plus que personne j’ai gémi du malheur des trois journées et du sort des victimes qui sont tombées; mais il ne m’appartenait pas de provoquer des mesures à cet égard.

M. de Guernon-Ranville, interrogé le dernier, rappela qu’en entrant dans le cabinet du 8 avril, il dit à M. de Polignac que « la charte était son évangile politique. » Il se défendit d’avoir employé des menaces ou des promesses pour obtenir les suffrages des fonctionnaires, et cita une de ses circulaires dans laquelle il les adjurait de consacrer leur influence à faire élire des députés « fidèles au roi et au pays. « Il avoua n’avoir pas partagé l’opinion de ses collègues sur les ordonnances et les avoir combattues. Il ne les avait ensuite signées que pour se conformer à la décision de la majorité. — Dans les deux journées que nous avons passées aux Tuileries, ajouta-t-il, il n’est pas un de nous qui n’eût voulu racheter au prix de son sang les malheurs qui désolaient la capitale; mais en ce moment il était impossible de prendre aucune détermination; ce n’était qu’à Saint-Cloud, en présence du roi, qu’elle pouvait être prise.

Ces interrogatoires avaient occupé la plus grande partie de la première séance. On entendit cependant plusieurs témoins : M. Billot, ex-procureur du roi, qui déclara n’avoir pas participé à l’ordre donné un moment d’arrêter un certain nombre de députés; le maréchal Gérard, qui rendit compte de la démarche faite par lui comme député et par quatre de ses collègues, MM. Casimir Perler, Laffitte, le comte de Lobau et Mauguin, le 28 juillet, auprès du duc de Raguse pour faire cesser le combat; le comte de Chabrol-Volvic, ex-préfet de la Seine, à qui M. de Peyronnet avait dit le 26 juillet « que si le gouvernement était sorti, en vertu de l’article 14 de la charte, de son caractère légal, c’était pour y rentrer très prochainement; » M. de Champagny, directeur du ministère de la guerre, qui attesta la sollicitude déployée par M. de Polignac pour arrêter les incendies de Normandie.

L’audition des témoins continua pendant toute la séance du lendemain. Il Y eut ce jour-là des dépositions empreintes du plus dramatique intérêt. Ce fut d’abord M. Laffitte qui, reprenant le récit fait la veille par le maréchal Gérard, présenta un saisissant tableau des angoisses du duc de Raguse pendant le combat et le montra pénétré de l’horreur de sa situation, n’osant prendre sur lui de faire cesser les hostilités, n’attendant qu’un ordre qui n’arrivait pas et qui ne fut provoqué par M. de Polignac que le 29 juillet, c’est-à-dire le troisième jour de l’insurrection, alors qu’elle était déjà victorieuse; puis ce fut M. de Komierowski, aide-de-camp du duc de