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des autres villes de France les vengeront. Malheur à Paris l’infâme! Elle doit être brûlée. Vive Henri V !» On écrit de Paris : « Malheur à vous, si vous ne présentez pas un juste arrêt de mort. Mort ou vengeance ! Le peuple attend ! »

Puis, c’est une lettre de la duchesse de Raguse, demandant au nom de son mari qu’une enquête soit ouverte afin de rechercher : « 1° si l’ordre confidentiel du 20 juillet était destiné à protéger les ordonnances et en assurer l’effet, ou si au contraire ce n’était qu’une formule militaire en usage depuis dix ans; 2° si l’ordonnance du 25 juillet qui confia le commandement au maréchal lui a été communiquée avant le 27; 3° si les chefs de corps ont eu l’ordre écrit de tirer sur le peuple sans ménagement, ou si au contraire une extrême modération leur avait été recommandée. » Enfin, dans le même dossier, nous pouvons prendre connaissance de trois pièces trouvées après la bataille, dans le jardin des Tuileries ou aux environs. La première est un billet du prince de Polignac au duc de Raguse, l’engageant à faire savoir aux insurgés « que le roi donnera de l’argent à ceux qui abandonneront les rangs de l’émeute et que les autres au contraire seront traduits devant un conseil de guerre. » La seconde et la troisième sont des adjurations adressées l’une « aux Français, » pour les convaincre qu’ils doivent défendre leurs libertés menacées, l’autre à Charles X, le 26 juillet, pour lui faire savoir a que sa tête est mise à prix. » On est heureux de se reposer de ces violences en lisant les lettres éloquentes que l’Académie et le barreau de Lyon adressaient à la cour des pairs afin de recommander M. de Chantelauze à la générosité de ses juges.

Le 29 novembre, l’instruction était close, et M. de Bastard en rendait compte à ses collègues dans un volumineux rapport qui n’est, à vrai dire, qu’une édition nouvelle de l’acte d’accusation, déjà dressé par les commissions de la chambre des députés. Il convient cependant d’observer qu’il y est fait preuve de plus de justice à l’égard des accusés. Les événemens y sont racontés avec impartialité; le désir de rechercher la vérité s’y retrouve à toutes les pages, avec la volonté de ne pas charger les ministres au gré des passions du dehors. De l’examen des ordonnances, il résultait pour le rapporteur qu’en les publiant les ministres de Charles X avaient violé la charte. Il admettait cependant qu’ils n’avaient ni prémédité longtemps à l’avance cette violation criminelle, ni prévu ses résultats. Il cherchait ensuite à distinguer dans leur responsabilité collective la part qui pesait plus spécialement sur chacun d’eux. Il attribuait à M. de Polignac la culpabilité la plus grande. Il déplorait son aveugle confiance, lui reprochait la mise en état de siège de Paris, la résistance opposée par lui à la suspension des hostilités; mais, passant sur ces faits, qu’il appuyait de preuves et de