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encore par de brillans débuts dans la vie publique, nous voulons parler du comte de Montalivet. ne avec le siècle, fils d’un ministre de l’intérieur de l’empire, dont le nom est resté attaché à de mémorables réformes administratives, M. de Montalivet était entré à la chambre des pairs en 1823, par le privilège de l’hérédité. Le droit de vote ne devant lui appartenir qu’à l’âge de trente ans, en 1831, il y avait siégé jusqu’à la révolution avec voix consultative. Admis en 1826 dans la réunion des pairs constitutionnels, il s’était vu chargé plusieurs fois de présenter des amendemens dont l’intervention des plus influens d’entre eux venait ensuite assurer le succès. L’année suivante, il avait fait échec au comte de Peyronnet, candidat au grand collège de Bourges, et à la suite de la révolution de juillet, la 4e légion de la garde nationale le nommait colonel, préférablement à M. Ternaux et au général Bertrand. En même temps, la confiance du baron Louis le chargeait, avec MM. de Schonen et Duvergier de Hauranne, de la liquidation de l’ancienne liste civile et lui confiait l’administration provisoire du domaine de la couronne. Enfin, peu de jours avant son entrée au ministère, il venait de monter à la tribune de la chambre des pairs et d’obtenir de ses collègues qu’ils fissent comparaître devant eux le comte de Kergorlay, un des leurs, auteur d’une lettre insultante pour la royauté nouvelle.

C’est à ce jeune homme de vingt-neuf ans, distingué déjà par M. de Martignac, qui voulait lui ouvrir le conseil d’état et qui, sur son refus, le nomma conseiller général du département du Cher, que M. Laffitte avait fait offrir le poste périlleux de ministre de l’intérieur. Le général Sébastiani était chargé de cette mission. M. de Montalivet commença par décliner l’honneur redoutable et la lourde responsabilité qu’on voulait lui imposer; mais le général insista. Il rappela à son interlocuteur qu’en 1826 M. Laffitte le voulait pour gendre; il ajouta que, si ce projet, dont le poète Béranger avait pris l’initiative en même temps que M. de Kératry, ne s’était pas réalisé, le ministre des finances n’en avait pas moins conservé pour le jeune pair des sentimens de confiance et d’estime. Il énuméra les services déjà rendus par M. de Montalivet, les circonstances qui l’avaient mis en évidence. Ces services justifiaient le ministère d’avoir songé à l’appeler dans son sein, malgré sa jeunesse. Cette jeunesse, au surplus, n’était-elle pas une qualité, après une révolution dans laquelle l’École polytechnique, d’où sortait M. de Montalivet, avait joué un si grand rôle? Pour traverser la dangereuse épreuve du procès des anciens ministres de Charles X, pour lutter avec succès contre les passions aveugles qui s’efforçaient de faire violence à la cour des pairs par un coupable appel à la vengeance du peuple, ce qu’il fallait avant tout, chez le ministre de l’intérieur,