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dépourvues de chapiteau à leur sommet. Les entre-colonnemens larges et les supports grêles, chargés de lourdes plates-bandes, inquiètent le regard. Comme pour ajouter encore à la pesanteur apparente, une énorme solive légèrement cintrée court horizontalement à 0m, 50 au-dessous de l’architrave, et réunit entre elles les colonnes; elle fait saillie à droite et à gauche et se termine par une tête d’éléphant sculptée. Souvent l’épistyle, au lieu de reposer directement sur la colonne, en est séparé par une sorte de console formée d’un enchevêtrement de denticules dont les facettes multiples, polychromes, disposées sur plusieurs plans, font péniblement papilloter l’œil. Un membre analogue, indéfiniment répété, sépare quelquefois dans toute leur longueur l’architrave du larmier; souvent même on en voit deux et trois rangs superposés s’élever en s’évasant jusqu’à la toiture, qui semble ainsi assise sur une série de pyramides renversées.

Signalons enfin quelques accessoires qui accompagnent toujours le temple japonais. Jamais en effet on ne le voit se dresser seul, résumant dans son unité la pensée religieuse de la communauté; autour du sanctuaire principal se trouvent d’autres édicules de même style, quelquefois plus ornés, des chapelles auxiliaires, une bonzerie réunie à l’édifice par une galerie à jour, une fontaine pour les ablutions, une pagode à deux, trois et cinq étages, dont tous les vases de Chine ont popularisé dès longtemps la silhouette élégante. Tous ces petits monumens, dispersés dans la même enceinte, éparpillent l’attention et diminuent la puissance de l’effet produit. Il en est au contraire qui l’augmentent en y préparant l’âme du spectateur, comme les sphinx placés en sentinelle aux abords du Serapeum. Le premier est le tori. Le tori est un portique composé seulement de deux colonnes plantées en terre sans socle, comme la colonne dorique, légèrement inclinées l’une vers l’autre, et réunies à un pied de leur sommet par une traverse sur champ, libre dans ses mortaises : elles supportent une première solive horizontale bien équarrie, sur laquelle repose une seconde poutre légèrement recourbée en croissant à ses deux extrémités. Rien de plus imposant que la majesté de ces lignes simples, surtout quand le tori est en pierre et joint à l’idée de la grâce celle de la solidité. Le toro est un fût de colonne plus ou moins évidé, posé sur un socle et supportant une petite lanterne de pierre ou de bronze que recouvre une légère toiture de même matière relevée à ses angles en volutes élégantes. Enfin les lions de Corée, placés face à face à l’entrée de l’avenue centrale, viennent compléter la physionomie animée et riante des lieux sacrés.

Des verticales trop courtes pour les proportions du monument, écrasées par les saillies exagérées de la toiture, des horizontales perdues dans le demi-jour, des courbes vagues, excentriques, inachevées,