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un café où des soldats allemands avaient bu et de brûler sur la place de l’Étoile le fumier laissé par leurs chevaux, — ce qui fut puéril, aussi puéril que le coup de pistolet tiré sur l’Arc-de-Triomphe par un officier prussien.

L’assemblée nationale n’était point satisfaite ; elle estimait que la capitale de la France se livrait, sous les regards de l’Allemagne victorieuse, à des exercices peu compatibles avec la dignité d’un grand peuple. Elle eût voulu agir avec vigueur et remettre de l’ordre dans cette ruche envahie par les frelons ; mais elle n’avait à sa disposition aucune force armée sérieuse, et il était dangereux d’engager une lutte dont le résultat paraissait incertain. Ce n’est pas que les motions les plus vives n’eussent leur raison d’être ; mais lorsque l’on disait : Il faut prendre le taureau par les cornes et arrêter tous les membres du comité central, on ne faisait que donner un excellent conseil, sans fournir les moyens de le mettre à exécution. La fédération de la garde nationale espérait bien que l’assemblée viendrait siéger à Paris, ce qui eût permis de la jeter sans effort à la Seine ; mais l’assemblée, se rappelant certaines dates présentes à toutes les mémoires, décida, le 10 mars, qu’elle se réunirait à Versailles. La déception fut grande dans la tribu révolutionnaire ; comme toujours, on cria à la trahison, on colporta immédiatement un nouveau mot d’ordre : L’assemblée est monarchiste, elle veut étrangler la république proclamée par Paris. Il n’y eut pas un fédéré qui n’acceptât cela et ne se préparât à la lutte. Le même jour, l’assemblée adopta une loi maladroite, qui prouve à quel point elle ignorait les souffrances du commerce parisien, ou combien elle était résolue à n’en point tenir compte. Une série de décrets avait prorogé l’échéance des billets de commerce ; l’assemblée voulut que les billets échus le 13 novembre fussent exigibles le 13 mars. C’était mettre les petits négocians, si intéressans, si nombreux à Paris, dans l’impossibilité de faire honneur à leur signature, et c’était en outre gravement indisposer des gens influens dans leur quartier, dévoués à la tranquillité dont ils ont besoin pour vivre, et prêts à combattre pour le maintien de l’ordre. Ce décret, dont le résultat économique le plus clair se note par plus de 150,000 protêts signifiés du 13 au 17 mars, vint en aide au comité central ; s’il ne lui donna pas beaucoup de partisans, il diminua du moins singulièrement le nombre de ses adversaires lorsque l’on battit le rappel au matin du 18 mars.

On avait adopté une autre décision non moins périlleuse : on supprimait la solde à tous les gardes nationaux qui, pour la conserver, n’en feraient pas la demande avec pièces à l’appui. C’était trancher bien brusquement une très délicate question, c’était dédaigner les leçons de notre histoire contemporaine, et oublier que la suppression