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de 60,000 pesettes ou 12,000 douros[1]. Il y aura ainsi dans le sénat espagnol un élément aristocratique et le plus souvent héréditaire. On compte, dit-on, dans le royaume 165 titres de grandesse; en défalquant les titres possédés par des femmes ou par des mâles au-dessous de l’âge sénatorial fixé à trente-cinq ans, il resterait encore 40 candidats à la pairie. De ce nombre, une bonne moitié paraît posséder la fortune requise par la loi, en sorte que plus de cinquante grands d’Espagne pourront siéger de droit dans la haute chambre du pays. C’est là une part d’autorité ou d’influence légale bien considérable pour une aristocratie d’ordinaire sans éducation politique et sans influence morale. Il se peut du reste qu’en accordant à ces grands d’Espagne le libre accès du sénat, les auteurs de la constitution n’aient pas compté les familles qui pourraient réclamer la chaise curule. Le nombre des sénateurs de droit est tel que le nombre de sièges laissés à la libre disposition du gouvernement en est considérablement réduit. Aussi dit-on que lors des récentes nominations faites par la couronne, le ministère n’a pu faire honneur à toutes ses promesses et que les déceptions ont grossi les rangs de ses adversaires.

En même temps qu’aux grands d’Espagne, les portes du nouveau sénat doivent s’ouvrir d’elles-mêmes devant les hauts dignitaires de l’armée, de la magistrature, de l’église. L’armée sera représentée par neuf capitaines-généraux, les services civils seulement par cinq présidens de tribunaux ou de grands conseils administratifs, l’église par le patriarche des Indes et onze archevêques. Dans cette distribution de fauteuils sénatoriaux, c’est le clergé qui, en dépit de ses penchans carlistes et de son opposition à la constitution, a reçu la meilleure part. Comme la chambre des lords d’Angleterre, le sénat espagnol aura son banc des évêques. Aux douze prélats sénateurs de droit viennent s’ajouter en nombre presque égal les élus des provinces ecclésiastiques à chacune desquelles la loi concède un représentant qui, choisi par les délégués du haut clergé, devra toujours être pris dans son sein. En revanche, la constitution décide qu’à la chambre des députés ne pourront être élus que des laïques.

Le plus grand nombre des sièges sénatoriaux est remis à la nomination du roi ou abandonné à l’élection; mais la constitution a pris soin d’enfermer le choix de la couronne ou des électeurs dans d’étroites limites, au moyen de catégories déterminées. Par leur origine, sénateurs à vie et sénateurs temporaires se rapprochent ainsi pour la plupart des sénateurs de droit. Les membres de la haute chambre doivent être choisis parmi les officiers-généraux et

  1. La peseta, ou pièce de 4 réaux, vaut 1 fr. 5 cent.; le duro vaut 5 pesettes.