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REVUE. — CHRONIQUE.

serait en lutte réglée. C’est, dit-on, une exagération, une interprétation fausse du pétitionnement : on ne demande pas de déclarer la guerre à l’Italie. Nous le croyons bien; mais alors à quoi veut-on arriver avec ces manifestations et ces mandemens? Non, on ne déclare pas la guerre à l’Italie, on se contente de l’insulter, de la menacer, et on ne voit pas que pour la satisfaction d’un esprit de secte on compromettrait, si on le pouvait, un intérêt de sécurité nationale. On ne compromet pas sans doute sérieusement cet intérêt, parce qu’il est assez visible aux yeux de ceux qui ont à conduire les affaires des deux pays que ce mouvement né répond à aucune émotion publique; maison donne tout au moins à nos adversaires un prétexte de dénaturer les sentimens de la France.

Que voyez-vous d’un autre côté? Voici un homme à l’esprit aussi honnête que libéral, un professeur éminent de Sorbonne, M. Saint-René Taillandier, qui arrive dans son cours à la révolution française et qui traite avec une juste sévérité des personnages tels que Robespierre! Aussitôt M. Saint-René Taillandier se voit l’objet d’indécentes manifestations dirigées par des jeunes gens qui se prétendent sans doute libéraux, — et des docteurs républicains aspirant au gouvernement sont d’avis qu’un professeur « payé par l’état » devrait pourtant éviter de blesser le « sentiment national ! » Ainsi, on veut bien nous laisser espérer une république assez honnête et assez libérale pour qu’un professeur entouré de l’estime publique n’ait pas le droit de fustiger Robespierre ! C’est au gouvernement de faire sentir son autorité au milieu de ces excès contraires. Il l’a déjà fait pour les pétitionnemens cléricaux. M. le président du conseil est intervenu par une circulaire publique, et sans doute aussi on a dû rappeler des prélats abusés à leur mission sacerdotale. Le ministère ne doit pas se montrer moins vigilant à l’égard de cette démagogie turbulente, car enfin, aujourd’hui plus que jamais, il nous doit un gouvernement ayant le souci de notre sécurité intérieure autant que de nos intérêts extérieurs.


CH. DE MAZADE.



Théâtre-Français. — Jean Dacier, drame en cinq actes et en vers, de M. CH. LOMON. Théâtre de l’Odéon. — Reprise de Mauprat, de George Sand.


La Comédie-Française vient de représenter un drame qui a obtenu un très franc succès, et qui nous a révélé un jeune auteur dont le talent autorise de grandes espérances. Si la donnée qu’il a choisie n’est pas nouvelle, si elle réveille plus d’une réminiscence, il y a pourtant, dans la manière dont elle est développée, un cachet personnel qui dénote un tempérament dramatique. Voici en quelques mots le sujet de Jean Dacier.