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l’huissier, et ceux qui n’aiment pas payer leur terme, pour tout ce monde-là, la fin du siège est une désolation peu patriotique. Paris ouvert, il va falloir rentrer dans le rang, travailler, regarder la vie en face, rendre les galons, les appartemens, rentrer au chenil, — et c’est dur ! » — Oui, c’est dur, et si dur en vérité, que cela est pour beaucoup dans la commune.


II. — LE COMITÉ CENTRAL.

La France et Paris avaient été si longtemps séparés l’un de l’autre, que, lorsqu’ils se retrouvèrent face à face, ils ne se reconnurent plus ; Paris ne pardonnait pas à la province de n’être pas venue le délivrer ; la province ne pardonnait pas à Paris ses perpétuelles révolutions et l’état de surexcitation nerveuse où il paraissait se complaire. Pendant que la province, foulée, réquisitionnée, épuisée par l’ennemi, aspirait au repos qui lui permettrait de panser ses blessures, Paris, comme une sorte de Cirque-Olympique, retentissait plus que jamais du bruit des armes et des appels belliqueux. Aussi, dès que l’assemblée nationale, élue « dans un jour de malheur, » fut réunie à Bordeaux, l’antagonisme éclata : Paris fut plein de défiance pour l’assemblée, qui le lui rendait bien. L’opinion du Paris révolutionnaire fut assez nettement exprimée, à la première séance parlementaire, lorsque Gaston Crémieux s’écria : « Assemblée de ruraux, honte de la France ! » Paris, très fier de son titre de capitale, de ses vieilles gloires, de son grand renom, de ses richesses, de ses administrations toutes puissantes, a toujours eu la prétention de diriger les destinées de la France ; il se considère comme souverain et se trouve déchu toutes les fois qu’il ne peut exercer la souveraineté. L’assemblée, libre expression de la volonté nationale, représentait légalement toute l’autorité et n’était point disposée à partager celle-ci avec la ville turbulente et usurpatrice. On pouvait être certain d’avance que la majorité parlementaire ne tiendrait aucun compte de la condition spéciale, de l’état morbide de Paris ; qu’elle voudrait être obéie, comme c’était son droit ; qu’elle frapperait fort, sans trop s’inquiéter de frapper juste, et qu’elle ne reculerait pas devant telles mesures qui pourraient amener un conflit.

Ce conflit était attendu avec impatience, espéré et cherché par les chefs d’insurrection restés à Paris ou accourus de province pour utiliser, au profit de leurs détestables rêveries, la plus nombreuse force armée que jamais une minorité d’action avait eue à ses ordres. Dès la chute de l’empire, cette minorité avait essayé de s’emparer de la direction de la garde nationale pour la faire servir à ses projets.