Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se joignaient à la Russie pour la contenir, et où, pour mettre fin à l’insurrection grecque, les trois gouvernemens imposaient la paix à la Porte et à ses sujets révoltés.

Il est deux puissances qui par une attitude décidée dans les récentes complications eussent pu préserver l’Europe de tout conflit armé : l’une est l’Allemagne, l’autre l’Angleterre. La première pouvait retenir la Russie, la seconde fléchir la Turquie. Je n’essaierai point d’expliquer la conduite de l’Allemagne: peut-être la Prusse est-elle trop liée avec sa grande voisine par les chaînes de la reconnaissance ou par des engagemens anciens pour lui pouvoir faire d’ingrates remontrances, peut-être aussi le nouvel empire n’est-il point fâché de voir le colosse du Nord faire l’épreuve de ses forces et au besoin les user dans une campagne d’Orient; une Russie affaiblie ne serait pour sa bonne voisine qu’une amie plus sûre.

La conduite de l’Angleterre est plus simple, il n’y a point à y chercher malice. Si la Grande-Bretagne n’a point garanti la paix, ce n’est pas faute de bonne volonté. Une chose certaine cependant, c’est qu’une bonne part de la responsabilité de la guerre revient au pays qui désirait le plus sincèrement l’écarter. Le cabinet britannique semble s’être donné pour mission de personnifier les vœux stériles et les velléités impuissantes de la diplomatie européenne. Après avoir, au printemps dernier, par st-s justes susceptibilités, fait échouer le mémorandum de Berlin et la politique exclusive des trois empires, l’Angleterre, s’emparant du premier rôle, a pris sur la scène orientale la direction du chœur peu écouté des six puissances. Le cabinet de Saint-James a obtenu la réunion de la conférence de Constantinople; son ambassadeur spécial, le marquis de Salisbury, a parcouru, avant d’arriver au Bosphore, toutes les cours de l’Europe pour établir un accord entre les gouvernemens, et quand à force de sagesse l’accord s’est fait sur un programme modéré, offrant des garanties aux chrétiens sans blesser la dignité de la Porte, l’Angleterre n’a su ni triompher des résistances du divan, ni trouver une satisfaction pour l’amour-propre national de la Russie. On eût dit qu’aux yeux du monde la Russie dût se contenter de voir ses propositions de réformes platoniquement soutenues par l’Europe, et ne point sentir la confusion d’un échec partagé entre tous les gouvernemens éconduits par la Porte. Quelques semaines après, lord Derby signait à Londres un protocole où les puissances se proposaient a de veiller avec soin à la façon dont les promesses du gouvernement ottoman seraient exécutées, » où, «si leur espoir était encore déçu, » les cabinets européens se réservaient « d’aviser en commun aux moyens qu’ils jugeraient les plus propres à assurer le bien-être des populations chrétiennes et les intérêts de la paix générale, » et, en signant ce document, le chef du foreign office