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Témoin dans mes jeunes années de l’épouvantable abus qui a été fait de la peine de mort en matière politique, et de tous les maux qui en sont résultés pour la France et pour l’humanité, j’en ai constamment et bien vivement désiré l’abolition. Le souvenir de ce temps de désastres et les sentimens douloureux qui m’oppressent quand j’y reporte ma pensée vous sont un sûr garant de l’empressement que je vais mettre à vous faire présenter un projet de loi conforme à votre vœu. » Le roi, en prenant ce solennel engagement, la chambre, en le provoquant, affirmaient avec éclat qu’ils voulaient «mettre la tête des ministres à l’abri de l’échafaud » et résister aux passions révolutionnaires comme aux ressentimens populaires. Ils pouvaient même croire qu’ils donnaient satisfaction à un vœu public, car, quelques jours avant, sur la place de Grève, où les loges maçonniques célébraient une fête en mémoire des quatre sergens de La Rochelle, une protestation contre la peine de mort s’était fait entendre et avait été appuyée le surlendemain par une pétition signée de tous les blessés de juillet, encore malades dans les hôpitaux; mais ces deux manifestations dues, la première à l’un de ces mouvemens généreux, ordinairement sans lendemain, qui saisissent les foules à certaines heures et les entraînent dans un accès de clémence passagère, la seconde à l’initiative du général de Lafayette, qui s’efforçait en ce moment de seconder les humaines intentions du roi, ne traduisaient pas le sentiment général. Ce sentiment était hostile aux ministres de Charles X; il s’irrita quand il crut comprendre qu’on cherchait à les soustraire à la vengeance et au châtiment. Cette irritation fut habilement exploitée par les partisans violens de la république, qui accusaient le gouvernement d’avoir trahi la révolution et cherchaient l’occasion de le renverser. Le roi, sa famille, le cabinet, les chambres devinrent tout à coup l’objet des attaques les plus acerbes et les plus injurieuses; des placards portant ces mots : « Mort aux ministres ! » furent apposés la nuit sur les murs dans divers quartiers de Paris. Il y eut de terribles menaces adressées, sous cette forme, aux prisonniers de Vincennes. « Un fleuve de sang les entoure, disait un pamphlet; le peuple en armes en garde les bords; ils ne le franchiront jamais. »

Le 17 octobre, ces provocations ardentes se transformèrent et prirent bruyamment possession de la rue. En revenant de Versailles, où il avait passé en revue la garde nationale du département de Seine-et-Oise, le roi trouva aux abords du Palais-Royal, qu’il habitait encore, une foule furieuse qui demandait à grands cris la tête des ministres, déjà traduits devant leurs juges. Repoussée par les troupes de service, elle alla promener ses colères dans les quartiers environnants. Elle revint le lendemain plus nombreuse et plus excitée, poussant les mêmes vociférations; dissipée comme la veille,