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chambre le désolant spectacle des incendies de Normandie, dont il n’hésitait pas à faire peser la responsabilité sur le président du ministère accusé. Il parla en termes amers de M. de Peyronnet, « dont le nom rappelait si tristement le souvenir de l’administration flétrie par la dernière chambre. » Il n’épargna pas davantage M. de Chantelauze. Quant à M. de Guernon-Ranville, le rapporteur constata son opposition aux ordonnances, mais en déclarant que cette opposition, « qui n’empêcha rien et qu’il oublia au moment décisif, » ne diminuait pas sa responsabilité; puis il s’attacha à démontrer que, contrairement aux dires des ministres, les ordonnances avaient été non pas, ainsi qu’ils le prétendaient, le résultat d’une inspiration soudaine, née spontanément du sentiment d’un grand péril, mais le développement d’un projet ancien. Il en trouvait la preuve dans un ordre confidentiel adressé le 20 juillet par le maréchal Marmont aux chefs de corps placés sous ses ordres et qui indiquait, avant même que l’émeute eût été provoquée, les moyens de la réprimer, et dans une note trouvée parmi les papiers de M. de Polignac, et ainsi conçue : « Le 26 juillet est le développement de la pensée du 8 août. C’est un coup d’état sans retour. Le roi en tirant l’épée a jeté le fourreau au loin. » Il n’hésitait pas à déclarer que le massacre des citoyens avait été ordonné froidement. Il accusait en outre M. de Polignac d’avoir donné l’ordre d’arrêter quarante-cinq personnes. Arrivant enfin aux journées du combat, il s’écriait : « De grands malheurs pouvaient être évités. Aucune tentative n’est faite pour éclairer la cour. Le ministère, que dis-je ! le prince de Polignac, car lui seul apparaît dans ces tristes momens, ne cherche point à faire connaître la vérité à Charles X, à lui dire que le sang coule par torrens, que peut-être il est temps encore de prononcer des paroles de conciliation. Des députés ayant fait une démarche auprès du duc de Raguse pour demander le rapport des ordonnances dans le but de faire cesser l’effusion du sang, le maréchal promit d’en référer au roi. M. de Polignac prétend qu’il écrivit au roi et que le maréchal lui écrivit de son côté. Hélas ! messieurs, le sang continue de couler, et son effusion apprend assez quelle fut la réponse du monarque. Ici, on ne peut s’empêcher de se livrer à de bien tristes réflexions sur la cour ou à de bien graves soupçons sur la conduite du prince de Polignac ou du duc de Raguse. Laissèrent-ils ignorer au roi le danger des conjonctures? conseillèrent-ils de continuer cette lutte sanglante? Ce prince, insouciant du malheur du peuple et aveuglé jusqu’à la fin sur sa position, voulut-il exposer sa couronne aux chances d’un résultat désormais trop prévu? »

Cet acte d’accusation était, hélas! trop facile à dresser; mais peut-être aurait-on le droit d’exiger un peu plus de justice. Accuser Charles X d’avoir voulu verser le sang français, de l’avoir vu