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plus l’ombre d’une idée: on taille à l’aveuglette en plein roman; ces scènes grossièrement détachées, on les écrit en prose, en vers plus souvent, parce que les mauvais vers sont plus faciles à faire et n’ont pas besoin, comme le dialogue parlé, qu’on les relève ici et là d’un mot d’esprit. Puis, cette besogne dûment accomplie, il ne reste plus qu’à se procurer un musicien. La conjuration de Cinq-Mars pousse entre le premier et le second acte sans que vous en connaissiez les tenans ni les aboutissans. Le héros adore sa princesse, le cardinal s’oppose à leurs amours, et quand Cinq-Mars commence à ne plus écouter que les conseils de sa présomption et de sa colère, il se trouve qu’une conjuration chauffe là juste à point comme un four chez le boulanger. « Dis donc, vicomte, sais-tu que, si le grand écuyer voulait entrer dans notre parti contre ce Richelieu que le ciel maudisse, nous pourrions espérer une prochaine victoire?» N’admirez-vous pas ce langage? On se croirait presque à Cluny, et penser qu’il y a des critiques qui prétendent que la tradition du bon vieux mélodrame s’en va! Le complot s’annonce donc sourdement, mais, avant qu’il éclate, on nous conduit faire un tour au pays du Tendre. La muse de l’auteur de Philémon et Baucis raffole de ces travestissemens archaïques. C’eût été bien telle aventure qu’un peu de bucolique ne trouvât place dans une pièce qui se passe au temps de l’Astrée. Le dommage est qu’on en ait trop mis même pour ceux qui se plaisent à ce genre de bagatelles renouvelées du noble jeu de l’oie. C’est décidément trop de petits soins, de bonheur convoité, les billets doux ont manqué leur entrée, et les jolis vers n’ayant point jugé à propos de figurer dans le texte du poème eussent agi plus sagement en se laissant oublier tout à fait.

Muses, je chante, et j’ai près de moi Stésichore,
Plaute, Horace, Ronsard, d’autres bergers encore.
J’aime, et je suis Segrais, qu’on nomme aussi Tircis;
Nous sommes sous un hêtre avec Virgile assis,
Et cette chanson s’est de ma flûte envolée
Pendant que mes troupeaux paissent dans la vallée,
Et que du haut des cieux l’astre éclaire et conduit
La descente sacrée et sombre de la nuit.


C’est le charme de cette musique d’éveiller en vous le souvenir des plus beaux vers. Je conseille aux esprits délicats de s’y laisser aller; ils passeront ainsi une soirée tout agréable à se réciter Marion Delorme et le Groupe des Idylles, tandis que le cor, la flûte, le hautbois et la clarinette de M. Gounod enchanteront les échos d’alentour.

Le troisième acte appartient à saint Hubert.

Hallali! chasse superbe,
Le cerf est couché dans l’herbe!


Récapitulons un peu-, au premier acte, nous avons eu le duo des