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spirituelle de cette troupe pieuse se montra trop jaloux de sa prérogative. Il refusa à l’archevêque le contrôle de sa gestion, et celui-ci, indigné, porta plainte à Madrid. Le gouvernement donna l’ordre aux religieuses de se disperser, leur laissant la liberté de se marier si bon leur semblait. Plusieurs se hâtèrent de profiter de l’occasion qui leur était offerte de s’émanciper, d’autres suivirent la fortune du monastère, qui se métamorphosa en un pensionnat où des jeunes personnes appartenant aux meilleures familles vinrent faire leur éducation. La règle en est restée rigoureuse, car, une fois admises en qualité de pensionnaires, ces jeunes filles ne peuvent en sortir que lorsque leurs études sont terminées. Tout récemment les dominicains ont fait venir d’Europe, pour le diriger avec plus d’éclat, des sœurs de leur ordre, mais l’instruction qu’elles donnent est entièrement religieuse et se trouve gâtée par un mysticisme exagéré.

Lorsqu’en 1860, à la suite des jésuites, des sœurs de charité d’Espagne arrivèrent à Manille, les collèges de femmes de Santa-Potenciana et de Santa-Isabela furent placés sous leur direction. Il en fut de même d’une autre maison religieuse dite de Santa-Rosa. Si l’enseignement des sœurs n’est pas des plus complets, du moins on ne pouvait le confier à des personnes plus honorables : de ce côté-là il y a réforme complète.

Le conseil municipal de Manille, voulant aussi utiliser le dévoûment de ces religieuses, qui, sous toutes les latitudes, savent se faire aimer et respecter, créa en I864 une école primaire de petites filles. Six ans plus tard, les fondateurs la transformèrent en école normale d’institutrices. Un ex-dominicain, le père Gainza, actuellement évêque, celui qui avait soutenu contre les jésuites que l’instruction était contraire à l’esprit de soumission des Indiens, a été plus heureux; revenu à des idées libérales, sa grandeur a sollicité et obtenu l’autorisation d’ouvrir dans son diocèse une école normale de jeunes femmes. Il s’en montre très satisfait. C’est en somme un progrès dont nous devons être également contens, car les écoles primaires dans les provinces exigeaient une transformation radicale. A l’exception d’un autre pensionnat fondé à Santa-Anna par une créole, dona Margarita Rojas de Ayala, ce que nous connaissons d’établissemens d’éducation en dehors de Manille ne mérite pas d’être signalé. Il serait cependant convenable que les beaterios pour filles ouverts à San-Sebastian-de-Calumpit et à Pasig fussent supprimés sans délai; depuis longtemps, l’opinion publique en réclame la fermeture.


EDMOND PLAUCHUT.