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un coup à peu près mortel à la vieille université dirigée par les dominicains. Les représentans de l’ordre célèbre, patronnés par le gouvernement de Madrid, ouvrirent, sous le nom d’Athénée national, une faculté d’enseignement supérieur, basée sur les programmes des universités catholiques de l’Europe. On vit alors pour la première fois à Manille s’organiser un musée d’histoire naturelle, un cabinet de physique, et même un observatoire astronomique et météorologique parfaitement installé et muni d’excellens instrumens.

En 1868, les généraux don José de La Gandara et don Carlos Maria de La Torre préparèrent les bases d’une société ayant pour objet l’ouverture d’écoles professionnelles impérieusement réclamées par les nécessités du pays. Le gouvernement y donna son approbation et promit son concours. Des professeurs laïques offrirent d’y enseigner sans rétribution la botanique, l’horticulture, l’art des constructions, la mécanique, l’économie politique, en un mot tout ce qui a rapport aux arts et aux sciences. Les jésuites, leur recteur en tête, avec un bon vouloir dont il faut leur savoir gré, mirent à la disposition de la société nouvelle leurs professeurs, leur musée et leurs cabinets de physique et de chimie. Mais encore une fois on avait compté sans les ordres monastiques qui firent à ce beau projet l’opposition la plus vigoureuse. Un nouveau gouverneur, don Rafaël Yzquierdo, le jour même du commencement des cours, refusa la permission de laisser ouvrir les écoles. L’interdiction n’a plus été levée, et les dominicains se vantent aujourd’hui d’avoir étouffé un monstre dans son germe, c’est-à-dire une société de libre enseignement.

Il y avait vers le milieu de ce siècle, dans la capitale des Philippines, des écoles de pilotage, de commerce et de peinture, fondées par la chambre de commerce à l’instigation de l’un de nos amis, le respectable don Matias de Vismanos; elles sont aujourd’hui sous la direction du gouvernement, qui ne leur donne aucun développement sérieux. En 1859, le ministre de l’agriculture décréta de Madrid la création d’une école de botanique à Manille; en 1865, il ordonnait qu’on y adjoignît des cours d’architecture et de dessin linéaire. Les professeurs furent nommés, les locaux d’enseignement appropriés, et jusqu’à ce jour rien de pareil n’a fonctionné, quoique le personnel enseignant soit à son poste et touche avec régularité, paraît-il, ses appointemens.

Il ne nous reste plus à nous occuper que de l’instruction donnée aux femmes : on peut juger de ce qu’elle a dû être pendant une longue période par celle qui a été donnée aux hommes. Il n’y a pas vingt ans que la mieux instruite des Indiennes et des créoles était d’une ignorance à jeter dans un profond étonnement un de nos lycéens de huitième. J’en ai vu ne pas savoir dire l’heure d’une