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ou du convento. C’était lui qui, avec ses élèves, sonnait les cloches, balayait l’église et prenait soin des accessoires et des ornemens religieux. Les écoles étaient installées soit dans les rez-de-chaussée des couvens, soit dans des édifices en bambou, simplement recouverts par des feuilles de latanier. Rien n’était plus primitif que ces maisons d’école tant à l’intérieur qu’à l’extérieur : au dehors l’apparence d’une chaumière, au dedans un sol foulé, des bancs où étaient assis, les jambes pendantes, les écoliers des deux sexes, au centre une croix attachée à un bambou, puis un large fauteuil en bois sur lequel le noir magister trônait plein de majesté. Celui-ci, en véritable Indien, n’a jamais cessé, tout en s’occupant de son ministère, d’y mâcher le bétel à pleine bouche; on le voit encore aujourd’hui sur son siège, aussi peu habillé qu’il l’était il y a trois cents ans, n’ayant sur le corps qu’une chemise flottante en dehors du pantalon, le cou entouré de trois ou quatre scapulaires, et le nez invariablement chargé de lunettes chinoises dont les branches s’attachent par un fil derrière la tête. Ses deux pieds sont nus, et, selon l’habitude indienne, il en caresse un de la main gauche, ce qui le contraint à avoir un genou relevé jusqu’au menton. Le fauteuil du maître d’école a deux bras à coulisse sur lesquels sont déposés un alphabet, une écritoire, et une matraque ou férule percée de trous. Pour écrire, les enfans doivent se mettre à genoux devant leurs bancs qu’ils recouvrent de sable fin; puis, avec un bambou taillé en pointe, ils tracent sur ce même sable les caractères qu’on leur dit de reproduire. D’autres n’ont qu’une feuille de bananier, fraîchement cueillie, sur laquelle, avec un poinçon, ils font patiemment, c’est-à-dire à petits points, le même travail. Pour enseigner l’alphabet, le pédagogue crie sur un ton nasillard la lettre et le mot que les élèves doivent retenir. Les enfans les répètent aussitôt et de la même façon; rien n’est plus divertissant que de les entendre s’égosiller à l’unisson.

Les punitions étaient très sévères autrefois, mais depuis 1869 elles ont dû être modifiées par ordre, et maintenant elles se réduisent à quelques coups de matraque dans la main ouverte, ou bien à tenir l’élève à genoux pendant de longues heures, les bras étendus en croix. Ce qu’il y avait jadis de révoltant dans ces écoles pour des yeux européens, c’était la nudité sinon complète, du moins à peine voilée des enfans. Les petites Indiennes y restaient côte à côte avec des garçons fort éveillés jusqu’à ce qu’elles eussent atteint l’âge de sept ou huit ans. Il est aisé de se figurer ce que la morale dut y perdre pendant de longues années.

L’instruction primaire a toujours été obligatoire dans ces contrées ; les parens ne sont autorisés à garder leurs enfans qu’à l’époque des moissons du riz et de la canne à sucre. On peut donc affirmer