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EUGÈNE FROMENTIN

L’EXPOSITION DE SON ŒUVRE A L’ÉCOLE DES BEAUX-ARTS.

La mort soudaine d’Eugène Fromentin est un deuil d’autant plus cruel pour l’art qu’elle a surpris le peintre en pleine force et en pleine vie, avant qu’il eût donné, non point tout ce qu’on attendait de lui, — Fromentin a tenu plus qu’il n’avait promis, — mais tout ce qu’on n’attendait pas. Eût-elle même sonné pour Fromentin vingt années plus tard, la dernière heure l’eût encore arrêté dans le développement de son talent. D’une nature inquiète, chercheuse, impressionnable, curieuse de nouveau, Eugène Fromentin se posait sans cesse le problème du possible et de l’impossible. Doué d’un implacable esprit critique, il était à juste titre fier de son œuvre ; mais il la jugeait inférieure à l’idéal qu’il avait cherché. Ainsi le vaillant artiste ne devait jamais s’arrêter dans sa lutte acharnée contre les mystères de la nature, ni s’endormir jamais sur les lauriers d’un succès mérité » Depuis le jour où il exposa pour la première fois, sans faire prévoir alors quel il serait, Eugène Fromentin a été fécond en surprises de toutes sortes. Éclectique parce qu’fut sincère, Fromentin a subi tour à tour l’action de divers ma, très. On sent parfois dans son œuvre l’influence de Decamps et de Marilhat, on y trouve des réminiscences de Delacroix et de Corot, on y voit qu’il a aimé autant qu’étudié les paysagistes hollandais du XVIIe siècle. Souvent aussi Fromentin a peint sous l’impression directe de la nature, qu’il a exprimée de la façon la plus neuve et la plus personnelle. La note n’est jamais persistante chez Fromentin. De même qu’il dépose le pinceau pour prendre la plume et la plume pour reprendre le pinceau, de même il va d’un maître à l’autre, abandonne Decamps pour Marilhat, Delacroix pour les Hollandais, puis il revient à Fromentin, qu’il délaissera de nouveau et auquel il reviendra encore.