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si vilains momens; il est revenu cette fois Lien décidé à désespérer les savans d’Europe par ses refus péremptoires de répartir entre toutes les collections les richesses uniques de la sienne.

Dans le voyage qu’il vient de faire, il étudia d’abord les régions au nord du Rio-Colorado, dans les environs de Bahia-Blanca par 41 degrés, et put se convaincre que la pampa basse et fertile ne se prolonge pas jusque-là, et fait place à un terrain de transition sans fertilité, remplacé bientôt lui-même par le terrain patagonien, dont il a pu d’autant mieux reconnaître l’aridité qu’il y resta égaré pendant trois jours sans alimens aux environs de Carmen de Patagones. Après d’assez longs préparatifs dans cette ville, il commença sa longue exploration du cours du Rio-Negro, qu’il lui fallait remonter pendant 120 lieues pour arriver au Rio-Limay. Son projet était de suivre la rive jusqu’à sa source, pour de là descendre le revers de la Cordillère jusqu’à l’Océan-Pacifique; mais, pour tout cela, il était nécessaire d’obtenir le consentement de toutes les tribus, et c’est devant cet obstacle insurmontable que la fin de l’exploration échoua.

La vallée du Rio-Negro est seulement fertile jusqu’à 30 lieues de son embouchure; la rive en est bordée de saules à l’ombre desquels on peut presque toujours marcher; au-delà de ce rayon, nulle part la vallée n’a une étendue suffisante pour l’établissement d’une colonie ; il en est de même du Rio-Chubut. Les peuples qui habitent ces parages sont les Mapunches, les Tehuelches et les vrais Pampas ou Tehuelches du nord; cette dernière nation, assez mélangée, habitait en d’autres temps les environs de Buenos-Ayres. En se rapprochant du Rio-Limay, on rencontre les plateaux qui bordent la vallée et qui sont couverts de couches de cailloux roulés d’une épaisseur de 15 pieds; la rivière a dans cet endroit environ 250 mètres de large, c’est là que passe la grande route des Indiens par laquelle ils conduisent, depuis Buenos-Ayres jusqu’au Chili, les animaux volés : de loin en loin existent des cantonnemens de tribus peu nombreuses. Le but du voyage dans cette contrée était la demeure du cacique principal de la Patagonie, Shay-Hueque, qui commande à sept nations : les Araucans, les Picunches, les Mapunches, les Huilliches, les Tehuelches, les Agoupures et les Traro-Huilliches, répartis entre 84 caciques; c’était à lui qu’il fallait s’adresser pour obtenir le libre passage à travers la Cordillère ; mais toute sa puissance ne lui permettait pas de résoudre un point de cette importance sans réunir un aucantrahun, parlement général où, avec lui, assistèrent les quatre plus vieux commandans-généraux, accompagnés de 453 lances, — et l’autorisation fut refusée! On imposa au jeune voyageur, avant d’être admis à recevoir cette