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terre, le dissout et, en s’évaporant, le dépose à la surface. Ces sels sont des sulfates de chaux et de soude; ils existent dans le sol sous forme de gypse, et l’extraction s’en opère comme nous venons de le dire. La couleur blanche du sel n’apparaît bien qu’à la nuit tombante et surtout dans le clair de lune; les cristaux blancs brillent alors avec des reflets métalliques, et la plaine semble couverte de givre.

Il y a deux espèces de sols salifères : les uns connus sous le nom de salines, les autres sous celui de salitrales ou terrains nitreux. Les salines sont de grands lacs salés préhistoriques et desséchés; ils sont répandus en grand nombre dans la plaine du nord. Les salitrales ne sont pas des bassins, ce sont de vastes plaines dont la surface se couvre de temps à autre d’une fine couche de sel, qui, au rebours des sels ordinaires, disparait sous l’action des pluies, permettant le développement d’une riche végétation et entre autres d’une plante connue dans le pays sous le nom de jumen, de la famille des salicornias herbaceas, dont on utilise les cendres très riches en carbonate de soude. Les salitrales'' affectent deux types très différens. Dans les uns, qui sont connus par la lucrative exploitation que l’on en fait au Pérou dans le désert d’Atacama et de Taracapa, le nitrate alcalin se présente sous la forme d’un minéral compacte, en couches d’une épaisseur variable, couvert d’autres terrains, en un mot comme la majorité des minéraux. Les salitrales du second type sont produits par le terrain même à fleur de terre, sous l’action chimique de l’atmosphère agissant sur les matières qui composent le sol, phénomène qui n’a pu être encore suffisamment déterminé. Après un jour de pluie, le voyageur ne distingue pas trace de l’existence du nitre; mais, après quelques jours de chaleur, le sol se couvre pour ainsi dire à vue d’œil d’une couche de givre. Ce sel formé à la surface peut se recueillir avec la main, et, la couche première enlevée, une autre apparaît immédiatement au même endroit; on l’emploie dans la fabrication de la poudre, dans celle de l’acide nitrique, et surtout dans l’agriculture comme engrais. Ces salitrales ne sont pas spéciaux à la plaine argentine; il en existe en Navarre, sur les rives du Gange et du Nil et dans la république de l’Equateur.

On rencontre en outre dans les territoires du sud, du Rio-Negro et de la Patagonie, quelques lacs d’eau salée semblable à celle de la mer, et dont le sel est exploité depuis des siècles par les habitans. Darwin en décrit un, situé à cinq ou six lieues de la ville de Carmen de Patagones, d’où l’on extrayait le sel au siècle dernier pour la consommation de Buenos-Ayres et dont l’exploitation, suspendue à l’époque de son voyage, a été reprise récemment. Pendant l’hiver, ce lac rempli d’une eau peu profonde a l’aspect d’un