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ceux d’une acclimatation récente, l’eucalyptus atteint rapidement une hauteur considérable avant que le tronc ait pu se développer suffisamment pour lui permettre de porter son mobile panache de feuilles glauques; après cinq ou six ans, ceux que le vent a épargnés s’arrêtent, se tordent sur eux-mêmes, semblent avoir perdu cette force d’impulsion qui les avait élevés si haut pendant le cours des premières années, et entrent déjà dans leur période de décadence.

Si la culture artificielle réussit si mal, on s’explique facilement que les forêts naturelles n’aient jamais pu se former, surtout si nous ajoutons à ces causes cette autre, que dans ces steppes l’humidité manque d’une façon presque absolue. Les pluies, peu fréquentes, sont rapidement absorbées par un terrain sablonneux sans laisser de traces de leur passage; les fleuves, de leur côté, assez rares, presque sans affluens, courent parallèlement les uns aux autres, en se dirigeant tous en droite ligne vers l’Océan. On ne trouve quelque végétation qu’autour des petites cuvettes situées dans les dépressions du terrain et dont la formation est favorisée par des raisons toute locales.

Ces lagunes sont très nombreuses dans la pampa fertile, et beaucoup plus rares dans les autres parties de la plaine; elles ont peu d’étendue, l’eau s’y rassemble pendant les pluies, mais atteint rarement plus d’un mètre au centre; elles doivent leur origine, en même temps qu’à une dépression du sol, à l’imperméabilité de leur fond, généralement de marne diluvienne dure, d’une épaisseur de 10 à 12 mètres, qui constitue le sous-sol pampéen. L’eau des pluies, en se rendant à la lagune, déplace nécessairement quelques parcelles de terre végétale qu’elle dépose au bord, donnant ainsi naissance à une végétation peu fournie, quelquefois arborescente, presque toujours verdoyante même dans les temps de sécheresse. Quelques-unes de ces lagunes sont assez profondes et recueillent pendant la saison des pluies assez d’eau pour ne jamais s’épuiser; dans la partie stérile des pampas, elles manquent absolument, et ce fait semble dénoncer l’inutilité des tentatives que l’on pourrait faire pour rendre habitables et productifs ces vastes territoires. On rencontre bien quelques grands marais connus sous le nom de cienegas, mais presque jamais de lagunes conservant l’eau à la manière de celles répandues dans les pampas fertiles.

Par contre, on trouve dans le désert pampéen de nombreuses efflorescences salines à la surface du sol; dans certains endroits, la croûte qu’elles forment occupe plusieurs lieues carrées. Le sol salin se présente couvert d’une poussière fine que le vent soulève facilement tant qu’il ne s’est pas produit d’efflorescences ; celles-ci apparaissent après de longues pluies dont l’eau enlève le sel à la