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15 novembre 1841, il inaugura ses leçons sur la philosophie de la révélation devant un immense public d’étudians. La réapparition de Schelling sur un aussi grand théâtre excitait une attente universelle. Malheureusement la fortune n’aime pas les vieillards, disait Charles-Quint; Schelling en fit l’épreuve, il fut suspect de réaction. Il voulait ramener la philosophie en arrière, tandis qu’en ce moment même la jeune gauche, comme on l’appelait, traduisait l’hégélianisme dans un sens tout opposé et préludait à la prochaine renaissance du naturalisme. Les leçons de Schelling s’éteignirent dans le silence et la solitude. Plus tard ces leçons furent publiées dans ses œuvres complètes, mais encore au milieu de l’indifférence du public; le mouvement des esprits était ailleurs. La plupart même des historiens de la philosophie allemande rapportent cet épisode sans y ajouter beaucoup d’importance. Cependant M. de Hartmann, le célèbre auteur de la Philosophie de l’inconscient, place assez haut la philosophie « positive » de Schelling, et il y voit la synthèse de Hegel et de Schopenhauer[1], c’est-à-dire une œuvre analogue à celle qu’il a tentée lui-même. Mais c’est surtout en Suisse, dans M. Secrétan et dans sa Philosophie de la liberté, que cette doctrine a trouvé un commentaire original et personnel. Avant d’étudier le commentaire, résumons d’abord le texte, et signalons les traits les plus saillans de ce que l’on peut appeler « la dernière pensée de Schelling. »

En reprenant la parole devant le grand public, après un si long silence, Schelling prétendait non pas rétracter et abandonner sa philosophie antérieure, mais au contraire la compléter et lui donner un couronnement définitif. Il maintenait le principe, mais il combattait surtout l’interprétation que Hegel en avait donnée. Cette interprétation aboutissait à un panlogisme absolu. C’est cette conception que Schelling voulait dépasser, sans revenir cependant à l’ancienne ontologie, car c’est la prétention un peu puérile des Allemands de vouloir toujours trouver un nouveau principe supérieur au précédent, sans revenir aux idées antérieures, comme si la métaphysique pouvait avoir indéfiniment à sa disposition des principes à superposer les uns aux autres. Quoi qu’il en soit, que ce fût un retour ou un progrès, Schelling soutenait contre le panlogisme une controverse très digne d’attention.

Il faisait remarquer d’abord que ce principe : « tout est logique,

  1. Voyez l’écrit très bien fait, intitulé Schellings positive Philosophie als Einheit von Hegel und Schopenhauer (Berlin 1869). — Nous nous en sommes beaucoup aidé dans ce travail.