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basilique julienne, qui avait été découverte par Canina et en partie déblayée sous l’ancien gouvernement. C’était un des plus beaux monumens de César. Comme il n’avait pas eu le temps de l’achever, son neveu s’était chargé de ce soin; mais à peine était-elle finie qu’elle fut consumée par un incendie et qu’il fallut la recommencer. Auguste en profita pour la refaire plus vaste et plus belle. Il en reste aujourd’hui le pavé de marbre qui s’étend sur une surface de 4,500 mètres et qui est élevé de plusieurs marches au-dessus des rues environnantes. Ce qui frappe d’abord tout le monde quand on se promène sur ce pavé, c’est qu’il est partout rayé d’une multitude de cercles; ces cercles, traversés quelquefois par des rayons qui forment des compartimens séparés, devaient être des espèces de damiers qui servaient aux jeunes Romains pour leurs jeux. C’est là, sur ces marches, qu’ils passaient leurs heures de loisir, se livrant à leurs distractions favorites avec l’ardeur des Italiens d’aujourd’hui, « tout joyeux, dit une inscription, s’ils gagnaient, pleurant quand il leur arrivait de perdre. » Le dallage de marbre a conservé aussi la trace des piliers qui portaient les voûtes de la basilique, ce qui permet d’en refaire le plan avec certitude. Elle se composait d’un double rang de portiques qui enveloppaient de tous les côtés une grande salle. Les portiques étaient alors des lieux de promenade et de plaisir très fréquentés des deux sexes. Ovide recommande beaucoup au jeune homme « qui veut faire ses premières armes » de s’y rendre à la chaleur du jour; la foule y est si nombreuse et si mêlée qu’il lui sera facile de trouver ce qu’il cherche. Ceux de la basilique julienne étaient comptés parmi les plus spacieux et les plus beaux qu’il y eût à Rome. La salle qu’ils entouraient servait à rendre la justice. Elle était assez grande pour contenir un tribunal de 180 juges, des sièges pour les avocats ou les amis des parties et un grand espace pour les curieux. C’est là qu’ont été plaidés les procès civils les plus importans de l’empire, c’est là que Quintilien, que Pline le Jeune et les autres avocats célèbres de ce temps ont obtenu leurs plus beaux succès. Au-dessus du premier étage de portiques, il y en avait un second, auquel conduisait un escalier dont les traces sont visibles encore. De cet étage élevé, on dominait la place. C’est de là que Caligula jetait de l’argent au peuple pour se donner le plaisir de voir les gens s’étouffer en le ramassant. On y pouvait voir aussi ce qui se passait dans l’intérieur de la basilique et suivre les plaidoiries des avocats. Pline raconte que, dans une affaire grave où il plaidait pour une fille déshéritée par son père qui à quatre-vingts ans s’était épris d’une intrigante, la foule était si grande que non-seulement elle remplissait la salle, mais que les galeries supérieures étaient pleines d’hommes et de femmes qui étaient venus pour l’entendre.