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de la chrétienté sous les arcs de Constantin, de Titus et de Sévère, et, pour lui faire un plus beau chemin, il déblaya le Forum des masures qui le remplissaient. « On y a démoli et abattu, dit Rabelais, qui en fut témoin, plus de deux cents maisons, et trois ou quatre églises ras-terre. » Toute l’antiquité se trouvait recouverte et perdue sous ces débris. A partir de ce moment, le Forum, devenu le champ aux bestiaux, campo vaccino, prit l’aspect qu’il a conservé jusqu’au commencement de ce siècle. Ce ne fut plus qu’une place poudreuse, entourée d’églises médiocres, autour de laquelle s’élevaient quelques colonnes qui sortaient à moitié du sol, un endroit mélancolique et désert, tout à fait convenable pour y venir rêver à la fragilité des grandeurs humaines et aux vicissitudes des événemens. C’est ainsi que l’ont représenté Poussin, dans son petit tableau de la galerie Doria, et Claude Lorrain, dans le paysage que possède le Louvre.

Il semble que ces colonnes à demi enterrées auraient dû provoquer la curiosité des savans. Comment se fait-il qu’aucun d’eux n’ait entrepris, depuis la renaissance, de fouiller jusqu’à leur base pour découvrir le sol où elles s’appuyaient? Ce sol était celui du Forum; on savait à n’en pas douter qu’on le trouverait jonché de débris historiques, et l’on ne songea pas à entreprendre des travaux qui pouvaient amener les plus belles découvertes. C’est seulement dans les premières années de ce siècle, pendant l’occupation française, que les recherches savantes commencèrent; mais elles furent trop vite interrompues et soulevèrent encore plus de problèmes qu’elles n’en résolurent. Les renseignemens qu’on en tira étaient si incomplets que des luttes acharnées s’élevèrent entre les archéologues. Chacun donnait un nom différent aux édifices qu’on avait découverts, chacun se faisait un plan particulier du Forum; on n’en connaissait ni les limites exactes, ni même la position précise : les uns supposaient qu’il devait s’étendre de l’arc de Sévère à celui de Titus, c’est-à-dire de l’ouest à l’est, les autres le plaçaient dans la direction tout à fait opposée, de S. Adrien à S. Théodore, et tous trouvaient dans les écrivains anciens des textes formels qui appuyaient leur opinion. C’était une confusion inexprimable à laquelle de nouvelles fouilles pouvaient seules mettre fin. Aujourd’hui toutes les questions sont résolues ; grâce aux travaux entrepris sous la direction de M. Rosa, l’amas de décombres que huit ou dix siècles avaient entassé a disparu. Ce n’a pas été sans peine : il a fallu enlever plus de 120,000 mètres cubes de terre, mais la topographie du Forum est fixée.

Revenons en détail sur tous ces travaux et énumérons l’une après l’autre les découvertes qu’on a faites. Le point de départ était indiqué : il était naturel qu’on commençât par achever de fouiller la