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vivaient donc du temps des rois, à peine quelques années après la fondation de Rome; aussi tout ce qui les concerne est-il du plus grand intérêt pour l’histoire, qui a si peu de lumières sur ces lointaines origines. A côté de leurs lits funèbres, on a trouvé des débris de poterie grossière, des vases, des coupes, des lampes, et tous ces objets semblent être de la main des ouvriers étrusques. Les murs aussi sont construits en grandes pierres carrées et tout à fait semblables à ceux qui entourent les vieilles villes de la Toscane. N’est-ce pas une nouvelle preuve des rapports de l’Étrurie avec Rome dans ces temps primitifs, et ne peut-on pas s’en servir pour répondre à M. Mommsen, qui ne veut pas que les Romains aient jamais rien emprunté d’autres peuples que des Latins et des Grecs?

C’est sur ces deux étages de tombes, les unes contemporaines des premiers temps de Rome, les autres appartenant à l’époque républicaine, que Mécène établit ses jardins. Il y fit transporter des décombres de toute sorte, qui provenaient de quelque quartier incendié, — dès ce moment, les incendies étaient fréquens à Rome, — il y joignit aussi beaucoup de terre végétale, et recouvrit de cinq mètres de débris toutes ces anciennes sépultures d’esclaves. Il fit construire ensuite son palais, qu’il entoura sans doute de thermes, de stades, d’exèdres, de portiques, de tous ces monumens enfin dont les anciens aimaient à embellir leur demeure. Ils ont disparu à leur tour sous le sol de la ville moderne, et comme ils ont péri peu à peu et en détail, on pouvait croire qu’il n’en restait plus aucune trace. Cependant une découverte importante, la plus curieuse peut-être de toutes celles qu’on a faites sur l’Esquilin, nous permet de nous figurer ce que devait être cet entourage du palais de Mécène.

Au mois de mars 1874, en creusant les fondations d’une maison, on rencontra presque au ras du sol le sommet d’un mur antique, de forme curviligne, sur lequel on voyait encore quelque reste de peinture. La terre fut enlevée de tous les côtés avec précaution, et l’on reconnut que le mur appartenait à une vaste salle assez bien conservée, qui formait un carré de 24 mètres de long sur 10 mètres de large[1]. Cette salle avait dû être décorée avec beaucoup de magnificence : le sol portait des traces d’un pavé de marbre, la voûte s’appuyait sur une élégante corniche de stuc. Les murailles, quand on les a rendues au jour, étaient encore revêtues d’une de ces belles couleurs rouges, franches et vives, qui égaient l’œil.

  1. Pour la description de cette salle, comme pour tout ce qui concerne les fouilles de l’Esquilin, je me contente de résumer Les rapports intéressans de M. Lanciani, publiés dans le Bulletino della commissione archeologica municipale. Il y a joint des plans exacts et la reproduction des plus belles peintures qui ont été trouvées dans la salle de lecture de Mécène.