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d’en lever le plan. Assurément les statues, les peintures, les mosaïques ont un grand prix, mais si l’on est curieux des objets d’art de toute nature qui se trouvent dans les ruines des monumens antiques, n’est-il pas naturel qu’on le soit encore plus de ces monumens eux-mêmes qu’ils devaient embellir et dont ils n’étaient après tout qu’un accessoire? Même quand il n’en reste que les fondemens et les premières assises, que de souvenirs ne réveillent pas ces débris ! que de renseignemens précieux ne peuvent-ils pas fournir ! quel plaisir pour l’esprit de relever l’édifice, d’en refaire tous les ornemens avec les peintures effacées, les fûts de colonnes, les morceaux de mosaïques qui en restent, d’essayer enfin par l’imagination de le revoir comme il était aux plus beaux temps de son existence ! Dans les quartiers populaires eux-mêmes, où l’on découvre moins d’objets précieux, quels services ne rend-on pas à l’histoire en recueillant tout ce qui concerne la vie commune, en retrouvant le plan des maisons, la direction des rues, la situation des places publiques où se sont passés tant de graves événemens, en refaisant en un mot la topographie de l’ancienne Rome.

Si c’est là ce qu’on cherche dans les fouilles qu’on entreprend, on peut affirmer qu’à Rome, pour peu que les travaux soient bien conduits, ils ne seront jamais stériles. En quelque lieu que les ouvriers mettent la pioche, ils trouveront au-dessous du sol actuel les restes des quartiers antiques. Sous les maisons d’aujourd’hui, plusieurs villes dorment ensevelies, et les monumens modernes s’élèvent au-dessus de deux ou trois étages de ruines. Tout le monde sait ce qui est arrivé dans les fouilles qui ont été faites il y a quelques années à Saint-Clément, mais il est bon de le rappeler pour montrer par un éclatant exemple à quelles bonnes fortunes on peut s’attendre quand on creuse le sol de Rome. Saint-Clément est une admirable basilique du XIIe siècle qui contient de belles fresques de Masaccio. Pendant qu’on y exécutait quelques travaux, il arriva qu’on mit au jour sous la basilique actuelle une église plus ancienne, avec des peintures curieuses et des colonnes de marbre et de granit; elle remontait au temps de Constantin et avait servi pendant sept siècles, jusqu’au sac de Rome par Robert Guiscard. Encouragé par ce succès, on fouilla plus profondément, et l’on ne tarda pas à trouver sous l’église primitive un sanctuaire de Mithra et quelques pièces d’une maison romaine des premiers siècles de l’empire. Puis, en descendant plus bas encore, on découvrit des constructions en tuf qui sont certainement des premières années de la république, et peut-être même du temps des rois. C’est donc une succession de monumens de toutes les époques, et l’on peut se donner, en descendant quelques marches, le spectacle de toute l’histoire de Rome, depuis sa fondation jusqu’à la renaissance. Ce n’est