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PROMENADES ARCHÉOLOGIQUES

LES FOUILLES DE L’ESQUILIN ET DU FORUM DE ROME.


I.

J’ai souvent entendu dire qu’il est dangereux de revoir après une longue absence les personnes ou les lieux qu’on a beaucoup aimés. On les retrouve rarement comme on se souvenait de les avoir vus : le charme s’envole avec les années, les goûts et les idées changent, la faculté d’admirer s’affaiblit ; on court le risque de rester froid devant ce qui transportait quand on était jeune, et il se peut qu’au lieu d’un plaisir qu’on cherchait on ne trouve plus qu’un mécompte. Ce désenchantement est d’autant plus funeste qu’il s’étend d’ordinaire du présent au passé; quoi qu’on fasse, il finit par atteindre nos impressions anciennes, et gâte ces provisions de souvenirs qu’il faut garder fidèlement dans son cœur pour la fin de la vie.

C’est à ce péril que s’expose un voyageur qui n’a pas vu Rome depuis une dizaine d’années et qui se décide à y revenir. Que de choses se sont passées en ces dix ans! Rome a changé de maîtres; la vieille ville des papes est devenue la capitale du royaume italien. Comment s’est-elle accommodée de ce changement? Quel effet produit sur elle ce régime nouveau, si différent de l’ancien? N’y a-t-elle rien perdu, et va-t-on la retrouver comme elle était quand on l’a quittée? Voilà la première question qu’on se pose lorsqu’on revient à Rome. Il est difficile de n’en pas être préoccupé, et, à peine le chemin de fer vous a-t-il débarqués sur cette immense place des Thermes de Dioclétien, si calme autrefois, si agitée, si bruyante aujourd’hui, qu’on ne peut s’empêcher de regarder de tous les côtés avec une curiosité inquiète.