recevraient dans une bonne école primaire, sauf, bien entendu, l’enseignement de la langue spéciale qu’ils parlent entre eux et qu’on appelle la dactylologie. On a beaucoup discuté sur le degré de développement que comportaient l’âme et l’esprit d’un sourd-muet. Des criminalistes ont plaidé leur irresponsabilité au point de vue légal. Des jurisconsultes ont soutenu la nullité de leurs actes. Des théologiens du moyen âge leur ont contesté, au nom d’un texte de l’Écriture judaïquement interprété, la possibilité de sauver leur âme. On est sans doute bien revenu de ces préjugés absurdes et barbares ; mais une visite à l’École des sourds-muets en dit plus là-dessus que bien des raisonnemens. À l’exception de quelques enfans chez lesquels la surdi-mutité congénitale n’est évidemment que la résultante d’une infériorité physique générale, il n’y a pas de différences très sensibles, au point de vue de l’aspect des physionomies, entre les enfans de l’École des sourds-muets, et ceux d’une école primaire de campagne. J’ai été surtout frappé de la différence qui existe entre la classe des plus grands, de ceux qui ont déjà passé quelques années dans l’institution, et celle des plus petits auxquels on apprend péniblement les premiers principes de la dactylologie. La mine éveillée et suffisamment intelligente des premiers, celle endormie et plutôt hébétée des seconds, montrent bien la vérité de cette maxime de l’abbé de l’Épée, « que les sourds-muets ne sont tels que parce qu’on ne cultive pas en eux le trésor d’une âme créée à l’image de Dieu, mais renfermée dans une obscure prison dont on n’ouvre ni la porte ni les fenêtres pour lui laisser prendre l’essor, et se dégager de la matière qui l’appesantit. » Un fait assez mince dont j’ai été témoin aurait suffi d’ailleurs pour établir ma conviction. Voulant faire montre devant moi des connaissances d’un enfant, on lui posa par écrit cette question au tableau : « Qu’as-tu fait dimanche dernier ? » Il répondit par écrit également : « J’ai été voir M. X. — Pourquoi ? » Après un moment d’hésitation l’enfant écrivit : « Parce que je l’aime beaucoup. » Pour moi, qui ne suis ni théologien, ni criminaliste, je n’en demande pas davantage : celui qui est capable d’aimer n’est-il pas capable de tout comprendre ?
L’assistance charitable des sourds-muets est complétée à Paris par trois sociétés : la Société centrale d’éducation et d’assistance, dont le siège est rue Saint-Jacques, à l’institution des Sourds-Muets et qui n’est en quelque sorte qu’une annexe de cette institution ; la Société générale d’éducation, de patronage et d’assistance, fondée par le docteur Blanchet, qui étend aussi sa protection aux enfans aveugles ; enfin la Société pour l’instruction des sourds-muets par l’enseignement simultané des sourds-muets et des entendans