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les sourds-muets, les aveugles, les épileptiques et les idiots. La raison de cette exclusion, c’est qu’à Paris même ou dans les environs immédiats des maisons spéciales sont ouvertes aux enfans atteints de ces infirmités. Je n’aurais pas conduit jusqu’au bout la triste nomenclature que j’ai entreprise de toutes les souffrances physiques auxquelles l’enfance est sujette et des remèdes qu’on oppose à ces souffrances, si je ne disais un mot de chacun de ces établissemens, en m’arrêtant de préférence à ceux qui sont les moins connus. Je ne parlerai donc qu’en passant de la maison consacrée aux garçons sourds-muets, qui s’élève au no 254 de la rue Saint-Jacques. Cette maison a été, dans ce recueil même et à une date assez récente, l’objet d’une étude très détaillée de M. Maxime Du Camp, sur laquelle il serait téméraire à moi de revenir. Je rappellerai seulement que cette institution a été longtemps unique en Europe et que c’est à l’abbé de l’Épée que revient la gloire de s’être occupé le premier de l’instruction des sourds-muets, « avec la sollicitude d’un prêtre (pour employer ses belles paroles) qui, n’ayant éprouvé depuis soixante ans qu’il existe aucun des fléaux personnels auxquels tous les enfans des hommes sont exposés, et craignant avec justice de vivre trop à son aise en ce monde, cherche du moins à gagner le ciel en tâchant d’y conduire les autres. » Nous avons d’autant plus le droit de mettre ainsi en avant nos titres de gloire que dans certains pays voisins on semble systématiquement disposé à les oublier. C’est ainsi que dans un congrès qui a été tenu à Dresde en 1875, et auquel assistaient 146 sourds-muets et un certain nombre de professeurs, il n’a été fait aucune mention ni de l’École de sourds-muets de Paris ni de la méthode de l’abbé de l’Épée, et cela, bien qu’une réaction sensible se soit produite depuis vingt ans en Allemagne en faveur de cette méthode, à laquelle on avait opposé longtemps celle de Samuel Heinicke. On a fait plus et on a été chercher en Amérique des spécimens de l’application de cette méthode dans les écoles fondées par Laurent Clerc et sans dire que celui-ci était un élève de l’abbé Sicard, élève lui-même de l’abbé de l’Épée.

L’École de la rue Saint-Jacques n’est pas ouverte seulement aux enfans de Paris ; on y reçoit aussi des enfans de la province. Elle a un caractère mixte d’établissement d’instruction et d’établissement de bienfaisance, et les élèves se divisent en pensionnaires, demi-boursiers et boursiers, ces deux dernières catégories étant cependant beaucoup plus nombreuses que la première. Les industries qu’on leur enseigne sont toutes des professions manuelles (sauf celle du dessin), mais qui supposent cependant un degré assez développé d’intelligence ; ainsi la lithographie, la sculpture sur bois, etc. ; quant aux leçons qu’on leur donne, ce sont à peu près celles qu’ils