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bonne forêt, et présentant toutes les conditions de prospérité que réunit le semis naturel. En tout cas, le travail et la dépense sont alors bien supérieurs aux soins et aux frais que peut entraîner la régénération naturelle.

Quoi qu’il en soit du mode de traitement, une condition est nécessaire à la conservation comme à la reproduction de ces forêts précieuses à tant d’égards, par le bois, par la résine, par l’herbe et par les feuilles, par la fixation et l’amélioration du sol, par l’abri et la protection des cultures et des habitations ; c’est l’interdiction absolue du pâturage des moutons et des chèvres. Le parcours des vaches et des chevaux peut se concilier dans une large mesure avec l’existence des bois ; il n’en est pas de même de celui des bêtes ovines. Dans telle forêt ouverte aux moutons, on coupe un certain nombre d’arbres chaque année, et il ne se reproduit pas un jeune brin ; l’époque à laquelle le dernier arbre aura disparu est par là même déterminée. Ailleurs la ruine est complète : la commune de Contes (Alpes-Maritimes), qui en 1838 vendait encore un lot de 4,402 pins, ne possède plus aujourd’hui un seul hectare de terrain boisé. Ce n’est pas tout encore ; après le bois les moutons usent l’herbe, mettent la terre à nu et l’affouillent du pied ; les eaux l’entraînent alors, laissant enfin à découvert le squelette rocheux de la montagne. C’est ainsi qu’ont disparu les magnifiques forêts de la Phénicie et de la Palestine, de la Grèce et de l’Italie, de l’Espagne et même de la France méditerranéenne[1], contrées où la nature semblait avoir réuni toutes les richesses de la végétation pour en faire le berceau de la civilisation chrétienne. Le fer et le feu ne sont rien en comparaison du mouton ; après eux les bois se reproduisent, après lui la terre est morte. De Madrid à Jérusalem, l’histoire et la géographie répètent : Forêts livrées aux moutons, forêts détruites ; montagnes sans bois, montagnes sans vie. Souvent, il est vrai, la nature met le remède à côté du mal quand celui-ci n’est point irréparable. C’est ainsi que les pins et le mélèze semblent tout spécialement destinés, parmi les grands arbres de l’Europe, à la restauration de ses montagnes.


CH. BROILLIARD.

  1. La région désolée des Corbières comprend 200,000 hectares de terrain entre Carcassonne, Quillao, Narbonne et Perpignan. L’éducation des bêtes à laine en est la principale industrie, et les bois de toute espèce y sont voués à la destruction. Rien n’attriste la vue comme ces montagnes dénudées, ébouleuses, où s’épanouissent d’innombrables ravins. Elles n’ont plus que 17 habitans par kilomètre carré ; sous le climat fécond des Pyrénées-Orientales, en pleine France, c’est là un vrai désert.