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II.

Le bois des pins est composé d’aubier, d’un blanc pâle, et de bois parfait, rose ou jaune, qui en forme le cœur. C’est là un premier fait qui rend très facile la distinction du bois des pins et des sapins, celui de ces derniers présentant une teinte uniforme et blanchâtre. L’aubier des pins est aussi mauvais que le cœur en est bon; chargé de matières azotées, fermentescibles, qui constituent la réserve alimentaire de l’arbre, il est d’ailleurs très pauvre en résine concrète. Celle-ci, accumulée dans le cœur du bois, lui donne une qualité particulière et un aspect caractéristique; sur la coupe longitudinale, les canaux résinifères forment des lignes allongées, jaunes ou brunâtres; sur la tranche, ils ressemblent à de la cire inégalement répartie.

Dans un même pin, la densité de l’aubier peut descendre à 0,4 et celle du bois parfait s’élever à 0,8. En raison d’ailleurs de la résine en excès dans ce dernier, la valeur comme combustible en est alors plus que double de celle de l’aubier. Comme bois d’œuvre, la différence est bien autre; il durera souvent plus d’un siècle, tandis que l’aubier peut être passé, vermoulu ou pourri au bout d’un an. C’est donc le bois parfait qui fait la valeur du pin; mais l’aubier reste toujours fort épais, prenant 6, 8, 10 centimètres sur le rayon. Il en résulte qu’un pin de faible diamètre n’est guère que de l’aubier, qu’une tige de grosseur moyenne n’a que moitié de son volume en bois parfait et qu’il faut de très gros arbres pour faire des pièces de charpente purgées d’aubier.

Le pin sylvestre, si abondant en Europe, est aussi variable par la qualité que par la forme et peut servir aux emplois les pins différens. Mesurant 1, 2, 3, 4 décimètres de diamètre, il ne donne que des perches, des poteaux, des traverses, des charpentes ou des sciages principalement formés d’aubier et bien inférieurs aux pièces en sapin; mais, dès que le bois parfait est devenu prédominant, le pin sylvestre fournit du bois d’œuvre dont on peut distraire l’aubier et dont la proportion s’accroît rapidement avec le diamètre de l’arbre; enfin, dans les conditions de sol et de climat qui lui conviennent, il élabore un bois exceptionnellement utile par la force, l’élasticité et la durée. Le pin du nord fait incontestablement les meilleures mâtures; il fournit des mâts de première grandeur qui, sous les plus grands efforts, cèdent en ployant, puis se redressent en fouettant au lieu de se rompre ou de se déformer, et qui peuvent durer de soixante à cent ans tandis que les mâts en sapin sont hors de service après un voyage sous les tropiques. Les grandes poutres en bois rouge sont excellentes