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communs aux enfans de toutes les classes, et que ceux qui en ont le plus besoin n’en sont pas les seuls déshérités.

L’hôpital de Berck se recrute, sur la proposition des médecins, parmi les enfans qui sont admis dans les services aigus ou chroniques des hôpitaux d’enfans de Paris. Il reçoit en outre un certain nombre de pupilles de l’Assistance publique qui viennent de l’hospice des Enfans-Assistés. Enfin il ouvre également ses portes aux enfans de la Seine et de Seine-et-Oise dont les parens sont en état de payer une pension de 1 fr. 80 cent, par jour. L’hôpital de Berck est porté sur les tableaux administratifs comme pouvant recevoir 600 lits, en y comprenant l’ancien hôpital qu’on a eu le bon esprit de ne pas démolir, et qui peut parfaitement servir. Malheureusement cet ancien hôpital, qui servait d’infirmerie, ayant été évacué à la suite d’une épidémie qui s’y était déclarée, on s’est demandé, avant de l’occuper de nouveau, s’il ne convenait pas de lui donner quelque destination particulière, en l’affectant soit aux enfans payans, soit aux pupilles de l’Assistance publique. Lorsque j’ai visité au mois d’octobre l’hôpital de Berck, la question était pendante depuis un an ; depuis un an aussi l’hôpital était vide, et 100 lits demeuraient inoccupés, tandis que des enfans soignés dans les hôpitaux de Paris attendaient leur envoi à Berck, et que la liste des expectans s’allongeait à la porte de ces hôpitaux. Il serait à désirer qu’on évitât des tâtonnemens aussi longs et des incertitudes aussi préjudiciables.

L’hôpital de Berck-sur-Mer a été confié aux sœurs du tiers ordre de Saint-François, qu’on appelle plus communément les franciscaines, dont la maison la plus voisine est à Calais. Cet ordre, extrêmement ancien et qui a devancé de plusieurs siècles les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul dans le soin des malades, mérite une mention particulière parmi les communautés religieuses que nous avons déjà eu l’occasion de rencontrer. La communauté s’en tient à l’ancienne défense de « recevoir à iceux services des malades aucune personne séculière, de quelque sexe ou condition qu’elle soit. » Les franciscaines de l’hôpital de Berck suffisent à tous les travaux depuis les plus relevés jusqu’aux plus grossiers. Aussi sont-elles au nombre de 70 ; revêtues « d’un habit de drap vil » (ce sont les termes de leurs statuts), la taille serrée par une corde à nœuds, la jambe emprisonnée dans une serte de houseau en laine blanche qui s’arrête à la cheville, et que portent également les femmes du pays, elles ont les pieds mis dans des sandales ou des sabots. On a même eu de la peine à leur faire accepter cet adoucissement contraire aux règles primitives de leur ordre, et pendant longtemps elles se sont obstinées à courir sans chaussures sur la dalle froide des couloirs. On les rencontre partout, à l’école comme à la buanderie, à l’infirmerie comme au bûcher, ployant sous des tas de linge ou des fardeaux