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fer des Landes. En terrains accidentés, il n’en est déjà plus de même. Les collines de dunes boisées au pied desquelles s’étend Arcachon, les lettes ou vallées qu’elles renferment, l’antique forêt de la Teste, parsemée de vieux chênes, ont déjà quelque attrait. Les escarpemens porphyriques de la Corse et les grands pins, vierges du résinage, qui s’élèvent à leur pied au milieu des chênes présentent parfois un spectacle vraiment beau. Mais c’est surtout un arbre utile que le pin maritime, et c’est là que se trouve son vrai mérite.

Le pin laricio ou pin de Corse habite exclusivement les montagnes. En Corse, laissant au pin maritime les parties basses et les versans inondés de lumière, il s’élève entre 1,000 et 1,600 mètres. On le voit encore : en Espagne, autour de la Maladetta par exemple, en Italie et notamment dans les montagnes de la Calabre, sur le mont Etna en Sicile, où il arrive jusqu’à 2,000 mètres, sur le mont Athos en Macédoine, sur l’Ida en Crète, et dans les montagnes de l’Asie-Mineure. Il s’avance dans l’intérieur de l’Europe par la Carinthie, la Styrie et les Alpes autrichiennes jusqu’aux montagnes de Moravie et de Galicie. Mais dans le bassin du Danube il est relégué sur les parties chaudes des basses montagnes et il se présente sous un aspect tout particulier; il y forme une race distincte.

Le laricio constitue peu de grandes forêts, mais il donne des arbres magnifiques. On trouve encore aujourd’hui dans la forêt de Casamenta, commune de Ghisoni, des laricios qui mesurent 30 à 40 mètres sous branches et 1 mètre de diamètre à la base, présentant en haut d’un fût cylindrique et nu une cime aplatie. Le laricio de Calabre est plus remarquable encore; la cime élancée ne porte plus que des branches faibles et courtes. La tige, parfaitement régulière, est à elle seule presque tout l’arbre; on dirait un mât dressé sur un navire. Le laricio d’Autriche, ou pin noir, a une autre forme. Ce n’est plus l’arbre élevé et tout en fût des terrains granitiques ; c’est un arbre trapu et tout en cime, qui vit dans les pierrailles calcaires ou dolomitiques. Cette espèce se distingue par sa rusticité : elle s’accommode des terrains les plus rocailleux de l’Europe centrale, comme fait le pin sylvestre des sables les plus pauvres; elle y conserve une certaine fraîcheur par son couvert épais et riche; elle croît avec rapidité et s’installe de premier jet en des lieux dépouillés de toute végétation forestière. On reconnaît le pin noir non-seulement à son écorce brune, à ses aiguilles fermes et d’un vert foncé, longues de plus d’un décimètre, mais surtout à ses gros bourgeons, à ses grosses pousses et à son aspect d’ensemble, où tout dénote la force et la vigueur. On peut le citer comme exemple de ce fait qu’on a cru remarquer sur les pins en général : c’est que parmi eux les espèces rustiques ont un gros bourgeon terminal porté à l’extrémité d’un rameau de fort diamètre.