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Ces essences primordiales ont été plus répandues encore dans les âges antérieurs. Les houillères en ont conservé les traces; les tourbières anciennes présentent de nombreux débris des espèces actuelles dans les plaines de l’Europe centrale, où celles-ci sont remplacées maintenant par des bois feuillus. C’est dans le sud et le nord de ce continent que les arbres résineux à couvert léger sont restés largement représentés; c’est là également, ainsi que dans les montagnes, qu’ils semblent le plus utiles pour vivifier la terre; mais partout il se trouve encore des plaines stériles ou des terrains rocheux qu’ils sont aptes à mettre en état de production. Sans sortir de France, il suffit de rappeler les landes et les dunes de Gascogne, les montagnes des Maures et de l’Esterel, les plaines de la Sologne et de la Champagne, les sables des environs de Paris, les friches arides des collines de Bourgogne, les plateaux élevés de l’Auvergne, les versans abrupts des Pyrénées et des Alpes, pour faire pressentir le rôle important que les plus peuvent remplir dans l’économie générale des régions de la zone tempérée.


I.

Les pins se distinguent des sapins non-seulement par les aiguilles grandes et groupées, par les fruits qui mettent deux ou trois années à mûrir, mais par une foule de caractères; ce sont des arbres tout différens. Ils ne forment pas d’autres bourgeons que ceux de l’extrémité des rameaux[1]; ils n’ont ainsi que des pousses terminales et autour d’elles des rameaux verticillés sur les branches comme sur la tige. La forme de ces arbres peut donc conserver une grande régularité; c’est ce qui arrive quand l’axe principal s’allonge droit et prime tous les autres par sa vigueur. Souvent au contraire la tige est flexueuse et présente des formes irrégulières peu gracieuses. Alors c’est sur les vieux pins seulement que se manifeste le caractère de force et de grandeur qui en fait la véritable beauté.

Représenté par de nombreuses espèces dans l’hémisphère boréal du globe, le genre pin fait défaut dans l’hémisphère austral; les arbres mentionnés habituellement comme des pins dans ce dernier n’en sont nullement. Ainsi l’île des pins et la Nouvelle-Calédonie ont de grands arbres résineux, mais ce sont des araucarias en

  1. Sur les sapins, ainsi que sur les chênes, le bourgeon développe immédiatement ses feuilles; sur les pins il n’en est de même que la première année, pour le bourgeon contenu dans la graine et qui émet des feuilles solitaires. Dès lors, les gros bourgeons des pins s’allongent au printemps en se recouvrant de petits mamelons blanchâtres, qui ne sont autres que des bourgeons de seconde génération ou de prompts bourgeons. Ceux-ci ne s’accroissent pas; ils développent seulement deux, trois ou cinq feuilles terminales engainées, entre lesquelles un point vital persiste, conservant la faculté de se ranimer et d’émettre de nouvelles feuilles en certains cas accidentels.