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du bien ? et faut-il donc que les intermittences du jour, les défaillances et les erreurs des générations empêchent le penseur de reconnaître dans l’histoire générale de la famille humaine une marche continue vers la lumière ?

Du fond de ce chaos que nous montre le poète et dont il a essayé bien vainement de justifier la conception, peut-être verrons-nous au moins surgir une idée, une lueur, une sympathie, un amour, quelque chose enfin qui nous révèle la philosophie de ce nouveau cycle de légendes. Quel est donc cette fois le héros cher à M. Victor Hugo ? Dans chacune des phases de sa vie, l’illustre poète a toujours eu, à travers les inspirations les plus variées, une inspiration particulière, tantôt une grande figure, tantôt une grande passion, qui tenait pour ainsi dire le centre de son œuvre et autour de laquelle venait se ranger le chœur mélodieux de ses rêves. Sa grande figure, aux heures de la jeunesse, c’était celle de l’empereur. Il semblait dire comme Virgile :

In medio mihi Cæsar erit templumque tenebit.


Cette préoccupation se produisait chez lui sous maintes formes ; il arrivait même qu’elle se dépaysait, — bien plus, qu’elle se déguisait, si je puis ainsi parler. Au quatrième acte d’Hernani, lorsqu’il fait grandir tout à coup celui qui va être Charles-Quint, lorsqu’il met sur ses lèvres ces ardentes paroles :

Empereur ! empereur ! être empereur ! — Ô rage !
Ne pas l’être ! — et sentir son cœur plein de courage !


ce qu’il a en vue manifestement, c’est l’idée du pouvoir impérial telle qu’il l’a conçue d’après Napoléon, beaucoup plus que la personne de Charles-Quint. Il en faut dire autant de son Barberousse dans les Burgraves. Le commentaire de ces figures glorifiées par lui sur la scène, ce sont les belles pièces dont il a enrichi de 1830 à 1840 l’éclatante série de ses recueils lyriques. Il suffit de rappeler dans les Feuilles d’automne les pages intitulées Souvenir d’enfance ou bien encore la Rêverie d’un passant à propos d’un roi. Dans les Chants du crépuscule, souvenez-vous de ces deux odes lancées d’une voix si pleine, si vibrante, l’une À la Colonne, l’autre, À Napoléon II. Relisez dans les Voix intérieures l’ode À l’Arc-de-Triomphe. Enfin qui donc a écrit ces strophes indignées au sujet de je ne sais quelle bévue administrative offensant la mémoire de la duchesse d’Abrantès :

Puisqu’un stupide affront, pauvre femme endormie,
Monte jusqu’à ton front que César étoila,