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par mer, et que sur mer la flotte défend les colonies en temps de guerre. Est-ce une raison pour charger la marine des dépenses de sécurité coloniale? Les Anglais trouvent juste que les colonies fassent les frais de la défense de leur nationalité. Nous n’avons pas, comme les Anglais, des colonies riches, et d’ailleurs l’état est intéressé, ne serait-ce que par dignité nationale, à la conservation de la partie du territoire français située au-delà des mers; mais dans quelle mesure est-il vraiment nécessaire d’imposer à la métropole des dépenses considérables pour la sauvegarde de cet intérêt ? S’agit-il d’un intérêt purement moral, ou les colonies sont-elles d’une utilité positive pour la métropole? Quels sont leurs titres à obtenir une protection onéreuse pour la marine? Pourquoi cette protection est-elle mise à sa charge? De ce qu’elle est appelée au besoin à se battre pour la défense des colonies, s’ensuit-il qu’il soit juste de lui faire payer les frais de son dévoûment?

Ces questions sont opportunes à une époque où la marine est appauvrie, où son matériel a diminué de valeur. On ne les aborde guère. Pourquoi? Parce qu’elles soulèvent des susceptibilités d’ailleurs respectables, parce que des intérêts de partis font la garde autour d’elles, parce que d’honorables souvenirs du passé sont évoqués pour renouveler la vivacité des sympathies en faveur des colonies. Mais la puissance et la force qu’il convient de donner à notre flotte sont des sujets qui ne nous touchent pas moins, auxquels nous serions portés, s’il fallait choisir, à donner la préférence. Étudions donc la question de plus près et voyons quelle est en ce moment la situation de nos colonies, et ce que sont devenus leurs rapport avec la métropole.


I.

De notre ancien empire colonial, il nous reste trois îles d’une assez grande étendue et d’une importance considérable : deux en Amérique, qui sont la Martinique et la Guadeloupe, une en Afrique, la Réunion. Les autres territoires français en Amérique sont : une station de pêche aux îles Saint-Pierre et Miquelon, — une colonie noyée en partie, dont les limites sont indécises, la Guyane, où la terre et les eaux se confondent encore, où l’œuvre de la création ne paraît pas complètement terminée. En Afrique, nous avons le Sénégal, route commerciale que gardent des postes échelonnés le long du fleuve; en Asie, les établissemens de l’Inde, des terrains plutôt que des territoires, en comparaison de l’empire anglo-indien, dont le voisinage fait ressortir notre faiblesse, la Cochinchine, où résident quelques fonctionnaires et quelques soldats préposés à