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de l’Afrique australe. Le comité néerlandais s’est constitué sous la présidence du prince Henri des Pays-Bas. Le comité autrichien a pour président le baron de Hoffmann, ministre des finances, sous le patronage de l’archiduc Rodolphe, prince impérial. Le comité italien est en voie de formation sous la présidence du prince héritier. Le comité français se constitue sur l’initiative de l’amiral La Roncière Le Noury et par le concours de la Société de géographie de Paris. Une Société d’exploration de l’Afrique s’est établie à Madrid sous la présidence du roi d’Espagne, conformément au programme de la conférence internationale de Bruxelles. Le juge Daly travaille à la constitution d’un comité national aux États-Unis, et le président de la Société de géographie de Genève, M. Bouthillier de Beaumont, a fait savoir qu’un comité suisse s’y forme. Enfin le roi de Suède, le roi de Saxe, le grand-duc de Bade, le duc de Saxe-Weimar, le grand-duc Constantin de Russie, le prince héritier de Danemark, l’archiduc Charles-Louis d’Autriche, ont accepté le titre de membres d’honneur du comité international. Toutes les maisons souveraines de l’Europe ont donc apporté au moins l’appui de leur nom à l’œuvre africaine fondée à Bruxelles, et même le sultan de Zanzibar a écrit au roi des Belges qu’on pouvait compter sur son concours.

Il est à souhaiter que tous les peuples de l’Europe s’associent de tout cœur dans cette sainte croisade de la civilisation contre la barbarie et le trafic des êtres humains, précisément au moment où les rivalités des gouvernemens menacent à chaque instant de les mettre aux prises, malgré eux et quand ils n’aspirent qu’à travailler en paix. Au sein de la conférence de Bruxelles, les représentans des différentes nations se donnaient la main, oubliant toute animosité et tout grief ancien, pour ne songer qu’à la noble mission à poursuivre en commun. Ne serait-ce pas une admirable affirmation du grand principe de la fraternité humaine que de voir, au milieu du bruit des armes et des préparatifs de guerre, naître et se développer une association internationale qui, créée par l’initiative d’un souverain et soutenue par la sympathie et le concours de tous les autres, ferait appel aux sentimens de charité des différens peuples de notre continent, pour apporter aux infortunés habitans d’un continent voisin l’ordre, la sécurité, la liberté, la suppression de la traite et tous les bienfaits de la civilisation moderne? Ne serait-ce pas aussi la plus éloquente et en même temps la plus irréprochable des protestations contre cette politique de jalousies et de méfiances réciproques, qui finira par précipiter dans une mêlée générale les nations qui ne devraient avoir qu’un but, répandre sur le globe entier les principes de justice révélés par le christianisme, pour l’affranchissement et le bonheur de tous les hommes?


EMILE DE LAVELEYE.